A Besançon
A Besançon, cette année-là, un millier d'hommes et de femmes se sont levés Est-ce qu'on fait des vers avec l'actualité immédiate Poète, est-ce ton rôle de témoigner pour le feu qui naît Est-ce qu'on peut écrire des chansons sur ces femmes Qui se sont mises en dimanche pendant huit mois parce qu'il fallait Montrer qu'on était des gens respectables Et que la grève ce n'est pas le laisser-aller mais la rigueur Tu fais donc des vers avec la dignité des autres Poète, depuis ta chambre parmi tes bouquins Est-ce qu'il est digne de saluer la classe ouvrière De loin quand peut-être tes vers elle n'y comprendra rien Il va bien falloir s'y résoudre L'étincelle ce n'est pas moi Je vais de ville en ville Je porte le feu je suis le sang O jeunes femmes qui descendiez sur Besançon Cette année-là vers le quinze août en portant comme un sacrifice Vos clameurs car c'était le première fois et vous aviez un peu peur Je reste au bord de vous, timide, n'osant rien faire Est-ce qu'on peut faire des vers avec la gravité de vos gestes et votre honneur Vous vous êtes mis debout. Soudain vous étiez devenus l'espoir du monde L'espoir du monde, vous, petite dame coquette et sans histoires sans passion Le premier jour l'un de vous a dit : la grève sera longue C'est avec les pieds dans la neige que nous finirons C'est donc facile de faire des vers sur le courage et sur la peur On fait des vers avec l'espoir avec la vie Avec les ongles qui s'accrochent au réel Avec des mots qui m'ont été soufflés cet hiver A Besançon parce que le vent souffle dans le dos du poète Et le crible de mots qui ne lui appartiennent pas. |