Les formes orphiques et sociales de la transmission chansonnière- Douai, Bertin, Forcioli par Joëlle-Andrée Deniot
Pages 305 à 318 dans le chapitre intitulé Mémoire et Filiation in Chanson et intertextualité, Dir. Céline Cecchetto
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Les formes orphiques et sociales de la transmission chansonnière- Douai, Bertin, Forcioli Joëlle-Andrée Deniot
Journée d’été, à Barjac en 2009, lors du festival Chanson de parole. Jacques Bertin remet à Philippe Forcioli, auteur, compositeur, interprète depuis 1977 – aède, comme il se nomme- le prix Jacques Douai. Un peu intimidé, silhouette trapue, visage de mansuétude, Philippe Forcioli s’avance et s’adresse au public ami rassemblé en son honneur : « Très ému, un peu de recevoir cette distinction. J’ai eu la chance de rencontrer Jacques Douai, il m’avait programmé dans son théâtre du jardin d’acclimatation, il y a plus de vingt ans maintenant et nous avons quelque peu sympathisé ; à partir de 1995 j’ai programmé des spectacles à Marseille, avec une équipe et un ami -Jacques Bonnadier- et en 2005 on avait demandé à Jacques Douai s’il voulait venir chanter pour nous à Marseille, il avait dit, je viendrai, puis l’année d’après il a dû se faire opérer, il nous a dit, ce n’est que partie remise et nous avons décidé d’une date en Octobre 2007 et il est parti l’été 2007 ; ce qui fait que je n’ai plus jamais revu Jacques Douai depuis ce jardin d’acclimatation … Je mesure ce que nous lui devons … cette hauteur, cette droiture, il me semble que la chanson, la scène est souvent le lieu de plus en plus pour moi, de la bassesse et tout à l’heure nous rions par les mots que Jacques Bertin emploie dans l’esprit de Jacques Douai… d’élévation du public[1]. Je pense qu’il fait partie de ces gens là ; c’est important et surtout pour les jeunes gens, ceux qui s’essaient, j’en ai croisé, y’en a plein évidemment … et pour tous leurs rêves, il faut dire de ne pas oublier d’aller à la source, car c’est là, de tout temps, que l’eau est la plus pure. » Se reconnaître … Le troubadour[2], le rêveur[3], l’aède[4] : de l’ancien au plus jeune, trente trois ans de dénivelé générationnel ; écart notoire, écart propice à s’éprouver comme père et fils en ce monde-ci, celui en France, de l’exode, de la seconde guerre mondiale, des trente glorieuses, de la guerre d’Algérie. Jacques Douai, enfant de Flandre romane, est né en 1920 ; Jacques Bertin ce chantre, hier des ajoncs de Bretagne[5], aujourd’hui de la Loire bleue, noire, bistre[6], vit le jour à Rennes en 1946 ; Philippe Forcioli, de père corse, naquit à Oran en 1953. Ascendance, filiation, résonances musiciennes et parolières les concernant, sont d’abord à apprécier comme expériences et ethos de vie mêlés à cette périlleuse configuration historique, véritable terreau commun de références idéelles, politiques et artistiques d’où germinera leur semblable et dissemblable ferveur. Avant le texte, ce condensé de conscience du sujet immergé dans sa langue, il y a la chair des perceptions polymorphes[7] dont l’écriture fut nourrie. Avant toute intertextualité - circulation intense de thèmes, de métaphores, de formes et de normes stylistiques - nous poserons que préexiste la profondeur des harmoniques sociales endossées par les personnes ou les groupes donnant à leurs mots, une teneur, une accentuation, des silences spécifiques ; donnant à leurs partis pris, leurs plis esthétiques, cohérence et force de rayonnement spécifiques. Toute interaction dialogique - et ces trois auteurs compositeurs sont dans un réseau dense et fécond d’intercompréhension active[8] - engage pour chaque locuteur, le roman biographique de son appropriation langagière de la réalité. L’intertextualité renverrait alors à une phénoménologie du sens se déployant sur une pluralité de dimensions. Celle du sujet singulier vivant - ici insoumis et vibrant de mélancolie- ; celle de l’intersubjectivité incarnée – ici, via les affinités électives entre passeurs de poèmes- ; celle enfin, de la socialité enveloppante- ici structurée par la tension entre création et sérialisation culturelle de marché ou d’État. C’est donc cette perspective sémantique large que nous allons suivre. Les harmoniques sociales, celles d’un monde populaire immémorial et silencieux où l’on croise des silhouettes, des paysages, des lumières, des gestes, des ouvrages, des patiences, des visages, des fiertés, des piétés, des refus et des voix sont là, lovées dans la parole musicale de ces auteurs. Sans doute est-ce Jacques Bertin, à la veine par intermittence, plus épique[9], plus ouvertement politique aussi[10], qui des trois, « sociographie[11] » et symbolise au plus précis et au plus haut, ces univers dans ses cantilènes, pour reprendre le terme favori de Philippe Forcioli. «Des femmes sont assises dans l'hiver A la gare on attend encore le train de Combourg et Dol Paroisse des années soixante, périphérie de la paix…[12]» Dans cette constellation de portraits de l’homme du commun, la domestique congédiée, l’apprenti qu’on ne reprit pas[13], par cette empathie à peindre les ambiances de la culture ordinaire[14], ce sont aussi les figures les plus intériorisées, les plus proches de soi que l’on confie à la mémoire des chansons ; elles font plus directement encore, prendre la mesure et la couleur ethnographiques du chant profond d’une enfance, celui dont les basses fréquences toujours ont raison[15]. C’est ainsi l’épiphanie d’un père ouvrier, croyant qui surgit dans la mélodie de Bertin, avec l’ajout sur le livret du CD, de ce sous titre éloquent, « chanson à placer sur ma cheminée ». «…/…Un frisson te parcourt malgré la canadienne Tu ne t’es pas changé. Ta tenue de maçon sent le chantier. Tu crains que quelqu’un te surprenne La barque des beaux jours racle un peu les hauts-fonds Tu es un arbre vif où un clapot vient battre De Kyrie, de Sanctus et d’Agneau de Dieu Baisse la tête on voit tes mains pleines de plâtre Dans la lueur affreuse où stagnent des vœux pieux …/… » Puis c’est la figure d’une mère prise dans l’angoisse des premiers affrontements d’Algérie qui sourd de la chanson de Forcioli. Je fus bercé par des complaintes Des lamentu doucement La voix si douce de ma mère Les chantait en m’endormant Gémissements de gorge humaine Depuis plus de six mille ans C’est l’écho des cantilènes Que me chantait ma maman Et tout s’embourbe et je murmure Ce lamentu de mon sang Terre cruelle et onde pure Le berceau des innocents Et même si son répertoire ne fait pas d’allusion autobiographique soulignée à ses origines, Jacques Douai[16], ce troubadour improbable qui est fils d’un chauffeur routier devenu employé des chemins de fer, cet « elfe à la voix de voile douce» qui travaille dès l’âge de 17 ans, est dans une situation d’acculturation tout aussi immense et déterminante par rapport aux milieux artistiques institués. Cet écart partagé aux clientèles des mondes médiatisés du spectacle, les unit d’abord dans des solidarités actives mais les rapproche aussi et plus subtilement, par le chemin insoupçonné des connivences ineffables. Ce rapport d’intimité à l’expérience des formes de vie populaires, cette relative étrangeté inapaisable de l’autodidacte face à la dévote reproduction de tout - avant la colère ou la désespérance politique - vont d’abord les conduire vers des idéaux de transcendance esthétique d’une rare intensité. C’est dans le travail incessant de la belle langue, la transmission ardente des beaux textes qu’ils fondent, chacun à leur manière, leur roman d’artiste de parole. C’est à partir de cette appropriation toujours en quête d’un verbe sublimé (ici verbe, musique et voix ne font qu’un) que vont s’élaborer lignes de conduite, retraits farouches et perspectives de vérité sur les jours à ré-enchanter, points de fuite pour appréhender l’image de l’autre. « Moi, les mots, je les ai baisés
Parallèlement à cet imaginaire matriciel de la langue, d’autres médiations sédimentèrent leurs proximités : un horizon d’espérance, l’Éducation populaire ; un cadre de référence, l’humanisme chrétien. Si ce dernier est à peine évoqué dans le répertoire de Jacques Douai, il est souvent affirmé dans celui de Philippe Forcioli[18] alors qu’il est, de façon beaucoup plus ambivalente à la fois mis à distance et salué[19] dans le répertoire de Bertin. O mon doux fou de Dieu, je me range à ta bande chante Forcioli D’ailleurs si les gens de l’ombre viennent avec Bertin peupler la grande histoire, ils se fondent pour Forcioli dans une anthologie de l’humanité authentique. […/…] «L’ouvrier, le notable Des fusils dans l’étable Les preuves sur la table L’épreuve insurmontable L’honneur intraitable Tout y est ! Implacable On meurt c’est en chantant On a peur on est brave Et dans le jour tombant On dit des choses graves J’entends vos voix, j’entends Vos plaintes dans les caves L’espoir aura mille ans Tous vos noms sur le marbre Ce soir un ancien vent Se lève dans les arbres Écoutez jeunes gens La leçon de l’histoire[21] […/…]» Tandis que Bertin salue le peuple résistant dans ce Gloire à vous - « tous vos noms sur le marbre » - Forcioli, donneur de chant et non de message, lance une exhortation d’universelle fraternité «Amis et frères de la terre Si vous entendez ces mots Si vous cherchez Le mystère L’amour Marchez, marchez au grand soleil Tout un jour La réponse est dans le brin d’herbe Amis et frères de la terre Si vous sentez le fardeau Le poids lourd Du temps qui passe Et la mort Encore, encore menez vos pas La prochaine rencontre Vous éclairera[22] […/…]» L’Éducation populaire est un mouvement où se côtoient dans la France d’avant et d’après guerre, marxistes et chrétiens, intellectuels, syndicalistes, artistes mobilisés en vue d’une refondation de la participation du monde salarié aux pratiques culturelles. Cette ambition de recréation de soi par le contact des grandes œuvres, Jacques Douai qui connut les chantiers de jeunesse, les petites salles, qui passa par l’école des cadres d’Uriage[23], la met au cœur de sa fascination pour le charme ailé des chansons. Dans l’esprit militant de l’association peuple et culture, dans le fil de l’utopie Malraux/Vilar, il fonde le théâtre populaire de la chanson. Jacques Bertin se place dans cette dynamique d’action et de représentation qui définit déjà : une teneur du répertoire offert, un choix de dispositifs de la mise en spectacle, un type engagement artistique et moral par rapport au public et à soi-même, un horizon d’attentes des récepteurs… Jacques Bertin s’y tiendra avec conviction jusqu’en 1984. Puis il devra plus tard constater à propos de la décennie 90 « que tandis qu’au niveau local, les capacités de diffusion artistique des MJC, maisons de quartier et autres associations se réduisaient, leurs fédérations, au niveau national, se faisaient transformer, par les gouvernements successifs en outil social de l’État »[24]. L’Éducation populaire « dans la perpétuelle attente d’argent », « oubliant sa fougue »[25], perdant ses références et ses référents, Jacques Bertin revint à Chalonnes … Les amarres de la chanson poétique étaient rompues, subsistaient un songe, une illusion sans doute, d’éternel retour dans le temps suspendu. Cultiver l’écoute, l’entente … En 1967, c’est Jacques Douai qui révèle l’existence de Jacques Bertin, auteur-compositeur débutant alors porté par le cercle confiant des étudiants Lillois, ses amis d’études journalistiques[26]. La filiation entre cet aîné et ce tout jeune débutant est immédiatement explicite ; elle restera toujours revendiquée. Jacques Douai invite Bertin à chanter trois chansons en lever de rideau de son récital et l’insiste à se présenter au concours de la « Fine Fleur de la Chanson française » qu’il remportera d’ailleurs à plusieurs reprises. En 1992, Bertin déclarait à propos de cette rencontre : « J’eus instinctivement confiance dans cet homme. Je le respecte et j’aime, aujourd’hui encore, retrouver dans le septuagénaire, l’enthousiasme, l’intégrité et la beauté rayonnante que je connus alors ». Il en va d’un parrainage et d’un éblouissement semblables entre Jacques Bertin et Philippe Forcioli, tous deux chercheurs souvent nocturnes « de mots qui portent immédiatement secours[27] ». Se risquant à élucider l’énigme des affinités et complicités électives, on peut se demander au-delà du prisme des contiguïtés sociales, sur quels agencements de ressources symboliques et d’élaborations imaginales reposent ce désir et ces effets de miroir retenant groupés dans le même tableau, ces trois bardes aux personnalités, parcours et répertoires pourtant très nettement subjectivés. Pour se prononcer d’un trait, disons la combinaison audacieuse et tellement inactuelle entre ces cinq éléments : une inspiration rivée aux grands modèles, un amour conquérant, déchiré du patrimoine, la norme orphique d’une musicalité très intérieure, le maintien d’une totalité organique entre récitatif et chant dans leurs œuvres, un culte manifeste de l’échange inter-poétique dans leurs prestations. Bien sûr, ils ne sont pas les seuls à pouvoir se réclamer d’un tel montage, mais comment ce dernier se dessine- t-il dans leurs cas ? Écrire, c’est retrouver des ancêtres, affirment certains romanciers. Chanter le fut aussi pour eux qui vénèrent d’abord la génération des fondateurs : Leclerc[28], Ferré, Brassens, Brel, leurs ascendants directs dans le métier. Malgré la grande distance entre la retenue scénique de l’un et « l’excès » tragique de l’autre, les critiques de 67 compareront Jacques Bertin à Jacques Brel. Jacques Douai par son interprétation du Bateau espagnol[29] - Qu’il est doux le chemin de l’Espagne/ Qu’il est doux le chemin du retour/ Le bonheur ça vient toujours après la peine …- fait entendre des tonalités à l’époque encore méconnues de Léo Ferré. Brassens est un des maîtres à ritournelles de Forcioli (dont le timbre et les accentuations vocales sont pourtant plus proches d’un Nougaro) ; il lui dédie en 1996, une chanson intitulée « Monsieur Brassens », tandis que Jacques Bertin enregistre en 1998 une « Brassensienne ». Mais au-delà des dédicaces, des reprises, des hymnes ou clins d’œil aux fondateurs qui pourraient à eux seuls, constituer une étude, il existe une autre empreinte d’ascendance caractéristique de cette chanson d’après guerre. Les raisons d’un rapprochement inédit entre littérature et chanson, à ce moment de l’histoire, furent souvent évoquées[30]. En effet, sur fond de rayonnement de l’esprit de la Résistance, de conscience d’élévation des enjeux démocratiques, chansons et poèmes fraternisent comme jamais (dans le siècle du moins) ; la forme et l’apprentissage poétiques travaillent les formes et l’art chansonniers ouvrant en cela, de nouveaux horizons socialement élargis, de métaphorisation du monde. Brassens, proche du courant poétique de l’École de Rochefort, admire René Guy Cadou, celui qui sait la poésie, éloge de la vie dangereuse et que l’on retrouve à la croisée de tous ces chemins. Jacques Douai met en musique plusieurs de ses poèmes parlant de la Loire « d'amitié, de mort, de campagne, de compagne, de tristesse et de joie de vivre dans un lyrisme bourré comme une grenade de trouvailles verbales et d'images [31]». Jacques Bertin dont le lien avec Cadou fut dès ses 18 ans « immédiat, affectif et fulgurant [32]», après l’avoir chanté, lui consacre un coffret CD- DVD avec poèmes, témoignages et lithographies[33]. Alors que
Bertin évoque « la victoire de ce jeune homme mort à 31 ans, en mars 1951, qui continue à marcher le long de nous, et nous parle comme de derrière la haie, ou dans le revers du ciel», cette victoire est aussi célébrée par Forcioli qui a « emmusiqué une quinzaine de textes de Cadou[34] » et commencé par ce Louisfert en poésie composée en 1982 et dite « chanson pour le frère à la langue bleue, petit duc et marabout[35] ». […/…] «Car j'aime ce village emmuré De forêts Et ses très vieilles gens comme Des pots de grès Qui tendent leur oreille Aux carrefours des routes Avec des mouvements Qui font croire qu'ils doutent J'ai choisi mon pays A des lieues de la ville Pour ses nids sous le toit Et ses volubilis Je vais loin dans le ciel Et dans la nuit des temps Je marche les pieds nus Comme un petit enfant » (Louisfert, René Guy Cadou) Mais cette soif de poèmes est bien plus vaste. D’autres noms s’imposent : Hugo, Baudelaire, Couté, Giraudoux, Prévert, Aragon, Gougaud, Bérimont … Tant et si bien qu’il est désormais difficile de lire Démons et merveilles (Prévert) ou Maintenant que la jeunesse (Aragon), La chanson de Tessa (Giraudoux) sans entendre entre les lignes les mélodies de Kosma, Léonardi, Jaubert mues par la grâce vocale de Jacques Douai et celle de Bertin dans son sillage. Mais il ne s’agit pas là d’une simple recherche de légitimité par l’autorité via l’art majeur du poème ; lui-même ne vaut que comme témoin d’une autre quête sans cesse repoussée vers les berges abyssales du Jadis. L’obsession d’une parole verticale charriant référence et lien au temps long serait la véritable fin de cet art chansonnier. Les poèmes ne valent que pour possible cristallisation de ce qui fut peuplé de vaillances, de bonté, de fureurs humaines. C’est ainsi qu’il faut comprendre cet appel direct de Jacques Douai au répertoire traditionnel ; ce rappel dans les créations du Bertin débutant, à la fable, à l’esthétique des nombres convoqués dans la ronde immémoriale des chansons d’initiation, d’apprentissage, de libertinage ou de travail des cultures d’oralité. C’est ainsi que cette composition énigmatique de 1967, de la première période bertinienne, intitulée -Faut-il être fou ?- semble contenir une allusion à peine dissimulée à l’antique chant celto-breton Ar Rannou des séries[36]. «Faut-il être fou pour avoir aimé les rides d’un vieil espagnol […/…] Ici, quinze cents Sacré-Cœur mauresques et le drapeau de Charles Quint Montent pour me clouer les yeux aux murs d’un couvent andalou […/…] Chez moi, il y a des fontaines lourdes et des pommes d’après-saison Quinze gamins en mal de rêves y viennent sourdre des chansons […/…] Chez moi j’ai quatre amis quatre poètes Pierre Jacques Yves et Joël Pierre Jacques Yves et Joël Oh ne m’ayez pas oublié […/…] Dernier matin de ma jeunesse déchiré de viol et de sang La mort s’en vient matin blafard Dix huit nuits m’ont amené là Dix huit rêves pour y venir dix huit rêves pour y mourir » […/…] Nous sommes amenés vers une poétique radicale du lointain, de l’enfoui dans la mémoire et la langue[37], vers un philtre accordé à la plus profonde nostalgie - ce bonheur d’être triste (V. Hugo) - que soutient légère, inutile, la lyre d’Orphée. Cette tension en prise sur une douleur d’oubli de la douleur dont on vient, dont on est, anime, hante le royaume de ces chansons : […/…] «C’était jadis et c’est pour toujours dans ma tête C’étai jadis et il ne reste rien de vous Un ou deux noms… Le grand silence des défaites Et l’écho des croassements. Souvenez-vous[38] » […/…] Bien plus qu’un souci patrimonial conservatoire, paisible, le sacre ancestral polygraphique qu’érigent ces chansonniers- poètes, est une apostrophe violente jetée contre le monde tel qu’il va dans sa débâcle d’inculture généralisée. C’est Forcioli attendant - dans cette chanson dite pour un homme debout[39] - non pas « l’homme nouveau » mais « l’homme ancien » : […/…] « C’est quand qu’il revient L’homme à tout faire Couronné de rien en abondance […/…] C’est quand qu’il revient L’homme qui tranche D’avec les moutons et pis les hyènes […/…] C’est quand qu’il revient L’homme qui porte Aux bras son amour Agneau de plume C’est quand qu’il revient » Jacques Bertin sur fond musical d’un martèlement de plus en plus pressant, dans un chant de plus de six minutes, dresse une fresque impressionnante d’une humanité défilant jusqu’à nous, d’un passé vengeur rompant la digue. Il réalise là un véritable tour de force stylistique, artistique lesté d’une lourde et incisive rage politique sans rémission. «Un passé avec des ancêtres, des ancêtres, des ancêtres Une sombre foule d’ancêtres montés d’infinis là-bas D’infiniment très vieux pays au rythme cassé des charrettes Avec leur hardes leurs chansons leurs hameaux nués dans des draps […/…]» Et six minutes plus loin…« Et les voilà : tous Poulidor tous Dupont et tous dans ta tête Mais range- toi donc animal ! tu nous gênes pour avancer Bouge- toi imbécile pas besoin de croire pour en être Avance ou bien pousse ton siècle dégonflé dans ce fossé Tu gênes petit homme en déguisement post-moderne On te demande pas de croire on te demande d’avancer Dispense-toi de commentaires dégage ton âme en berne Petit homme contemporain en plâtre- laisse-nous passer[40] ! »
Certes ces trois auteurs-compositeurs interprètes puisent parfois dans un fond musical européen traditionnel et leurs déclinaisons mélodiques réactualisent, réinventent des phrasés, des rythmes proches de ceux des ballades, des berceuses, des marches, des danses les plus populaires. Comme si ce tissé commun, cette sève des anciennes transmissions orales étaient les plus aptes à faire avancer la sonorité fragile des mots que l’on cherche comme la vérité. Interrogé sur ses chansons préférées, Forcioli répond de façon très symptomatique : « Je pense à une chanson toute simple, que j'aime chanter avec certains amis à trois ou quatre voix, aux marches du palais y a un p'tit cordonnier, c'est lui qu'a eu la préférence, Ma Belle si tu voulais.... , c'est vieux comme le monde, elle a été reprise, mais enfin c'est l'histoire de la Belle qui tombe sous le charme de celui qui sait lui parler, qui est pourtant laid, c'est un p'tit cordonnier, un p'tit cordonnier à l'époque c'était un juif, sabotier, pauvre, mais il sait lui dire quelque chose de doux et de beau....et c'est ça qu'elle préfère la Belle et pas le beau mec et ça eh ben c'est rassurant ! » Leur inventivité musicienne ne se résume évidemment pas, loin s’en faut, à cet héritage relooké de formes stabilisées (Jacques Bertin travaillera toujours avec des musiciens de jazz : Didier Levallet, Michel Graillier, Siegfried Kessler ; Forcioli un peu, via le contrebassiste Bernard Abeille). Ils restent toutefois très loin des syncrétismes de la World Music ; ce qui prévaut, c’est l’incubation d’un accord rêvé entre cette salve rimée, versifiée de mots et l’image d’un souffle, d’une pulsation, d’un bruissement surgi des archives de soi, de ses fredons, de ses moires intimes ; musique du verbe et des notes unie à ce même « désir fragile des envolées vers[44] », ce paysage psychique sonore qui rend votre signature mélodique aussi unique que votre signature vocale ou votre empreinte digitale. Aussi leur force musicienne se situe-t-elle pour chacun, dans cette veine de la mélopée secrète, intime, taciturne[45] (ce qui échappe à la saisie de première évidence des mots) qui pousse plutôt à penser le chant comme « la possibilité d’une île » que comme l’assimilation incessante d’emprunts exogènes et/ou prédateurs. Jacques Bertin est celui qui parle le plus, à ce propos, pour caractériser ses débuts : « L’orchestre jouait dans ma tête. Il m’a fallu des années pour l’en faire descendre… Les syllabes, les mots avaient dans ma tête un rythme, des longueurs qui ne pouvaient se ramener à la mathématique de la musique »… Guitare seule, guitares puis piano, claviers, flûte, violoncelle, contrebasse, bandonéon, parfois un saxophone puis à nouveau l’accordéon, enfin des arrangements plus rares faisant résonner le luth, la harpe et quelques percussions -le bombo pour Forcioli- constituent la trame des nappes acoustiques accueillant ces cantilènes anachroniques qui osent encore valser[46], psalmodier[47], s’aventurer dans des lyrismes puissants[48] ou alors s’approcher de l’épure faiblement mélodique du monologue récitatif[49]où ne priment que la force du texte et la musicalité d’une diction[50]. Notons également : jamais d’amplification électrique des instruments pour ces langues musicales inscrites dans les retenues et souverainetés de l’écriture ; jamais d’entrée dans l’escalade vertigineuse de l’ébranlement des corps pour ces chants interférant en vibrations de sens et de sons pour une recherche impossible de formes mieux ajustées à l’âme. La toile de ces entrelacs orphiques, à sédimentation toujours à l’œuvre, pour ces trois artistes qui se sont « tant lus et tant entendus[51] », ne serait pas complète sans sa touche la plus conviviale : l’évocation de la reviviscence conviviale des rencontres, de la réciprocité confiante des dons et contre dons. Bertin dans ses concerts, sur ses albums chante les autres résistants de la chanson poétique : Jacques Douai mais aussi Jean Vasca[52], Allain Leprest[53], mais aussi Jean-Max Brua[54]. Forcioli chante Jacques Bertin, Joseph Delteil etc … Question d’admiration, question d’entraide sur le front de « cette contre-parole », de « ce contre-pouvoir », de « cette marge adulte »[55] dont Bertin condamne la disparition depuis son exil à Chalonnes. Et cette ronde des chants de parole vivante, hésitante qui garde « son » public aussi fervent que ses créateurs, trouve encore ses relais d’inventeurs comme en témoigne ce nouvel entrant dans le cercle risqué des amis fidèles à « leurs étendards de vent » : « Elle restera gravée dans ma mémoire cette soirée, un 12 mai à Lyon…en 2006. J’avais organisé un concert de Philippe Forcioli dans la petite salle Léo Ferré remplie d’une presque centaine de personnes. Beaucoup d’émotion, du rire, des larmes… des chansons, des textes dits, l’accent chantant, la douceur de la voix, la caresse de la guitare, les mains qui rythment les mots, une poésie qui enchante… Mais ce soir là… j’avais aussi la chance de vivre d’autres moments forts… Philippe Forcioli avait en effet accepté que je fasse une première partie avec le petit récital que j’ai monté autour de l’univers de Jacques Bertin. Nous nous sommes donc croisés et recroisés dans la petite loge que nous partagions à trois avec Cédric Perret, le jeune pianiste qui m’accompagne et qui en dehors de la chanson, joue dans des groupes de métal symphonique, de salsa… Philippe, a été vraiment chouette. Une fois enfermés dans la loge alors que le public s’installait et que Jérôme, le responsable de la salle disait quelques mots de présentation, il a su se faire rassurant, tranquillisant en voyant la tension grimper… Et puis il a fallu y aller… nous sommes entrés sur scène avec Cédric… Ça s’est plutôt bien passé… A la fin, quand nous sommes revenus dans la loge avec Cédric, Philippe nous a accueilli les bras grands ouverts et m’a dit « eh bien mon salaud, t’as choisi les plus belles ». On a éclaté de rire, soulagés… quel bonheur de rire franchement, libérés, joyeux de ce qui venait de se passer, excités de ce qui allait encore arriver… Un peu plus tard, pendant son récital il dira encore quelques mots, un brin espiègle, pour me remercier d’écrire de si belles chansons… puis de souligner que ce n’était pas si fréquent d’entendre quelqu’un chanter un poète encore vivant…Encore plus tard, quand nous n’étions plus qu’une dizaine à partager le repas, Philippe a repris la guitare et nous a encore offert quelques perles. Des chansons de Brassens, de Beau Dommage et même une chanson de Bertin. Des moments rares et fraternels qui résonnent encore …» Sur des chansons d’hommes … « Je ne fais pas des chansons tristes je ne fais que des chansons d’hommes », conclut Bertin dans un des titres de son dernier album. Le choix à contre courant de ce syntagme joue manifestement sur le jeu de dominance attribuable tantôt au registre de la masculinité tantôt au registre de l’humanitude dont la formule peut constamment se prévaloir. Le poème de Nazim Kihmet Les chants des hommes qui clôturait souvent les récitals de Bertin, se place d’ailleurs dans la même ambivalence. Nous allons donc suivre les voies de cette alternance à travers certaines pentes thématiques de ces corpus de chansons. Toute parole est celle d’un sujet à sensorialité, culture, histoire sexuées. Les chansons se sont toujours nourries de cette altérité jusqu’à cette récente organisation sociétale de la neutralisation de tout échange désormais devenu sans alter qu’il s’agisse de politique, de marché, d’idéologie, de pensée ou d’attitude musicale. Société dépolarisée qui s’oppose à l’existence d’une littérature écrit Pascal Quignard[56] ; contexte institutionnel d’une chanson orpheline de toute critique, de tout débat possible, regrette Jacques Bertin. Dire chansons d’hommes n’est donc pas neutre, mais subversion du neutre ; c’est réintroduire de la polarisation et donc du poids, de la valeur symboliques dans l’intelligence des choses et des vies, ce à quoi la chanson éveilleuse d’images et de verbe peut aussi servir. Lorsque l’on écoute le premier album de Jacques Bertin (Corentin), on est saisi par de soudaines inflexions vocales parfaitement superposables à celles de Jacques Douai. L’intertextualité se présente alors au plus incorporé, comme une intervocalité et les rejaillissements des poésies partagées comme une transe- vocalité. Lorsque l’on aborde l’optique des thématiques, on quitte le terrain de la sémantique sensible pour des zones plus génériques du dialogue opérant entre ces trois hommes qui chantent. Le risque de la perspective thématique (thème entendu cette fois non plus selon la définition de Bakhtine mais selon sa définition usuelle), c’est l’écrasement des singularités de la parole. C’est le risque de faire passer la mono-signification d’un code linguistique devant la polysémie des élaborations dialogiques. La difficulté s’en trouve accentuée par le fait que loin de scruter les replis implicites des univers thématiques de chacun de ces auteurs-interprètes, nous resterons à la surface de quelques topoï transversaux sur ce fil des chansons d’hommes, toutefois déjà assez particularisant. Tentant de respecter un peu de la pluri-accentuation signifiante de ces thèmes d’une identité chansonnière à l’autre, nous parlerons de vertu homérique, d’Ithaque maternel, de voyage initiatique, de nuits. Le pays, la guerre, la terre Royaume, empire, nation, peuple génèrent des récits guerriers, mystiques, didactiques, visionnaires qui les représentent, les exaltent, les perpétuent matériellement, idéellement, idéalement. Cette langue fondatrice naît donc sur le sol du conflit avec l’ennemi, l’obstacle, une puissance d’ordre naturel, humain ou divin. Entre merveilleux, histoire et allégorie, cette langue est celle de la narration épique née avec Homère. Mais l’épopée, « cette bible du peuple » selon Hegel qui commence par les « siècles obscures » des Xème et IXème siècle avant J-C et l’âge à peine entamé des cités, aura bien des héritiers et connaîtra bien des métamorphoses. De Virgile aux poèmes de la Légende des siècles en passant par Dante, la Chanson de Roland ou la Franciade pour renaître via de grands projets romanesques comme la Comédie Humaine ou bien Guerre et Paix, voire à travers les récits contemporains de la science-fiction, le style épique ne se repère plus à un genre de textes ou de récitatifs mais à son rôle majeur, celui joué en vue « d’une véritable fondation de conscience liée au monde total d’une nation ou d’une époque[57] ». Il y faut des armes, des héros, du souffle, une métrique et la liberté littéraire pour le rhapsode de mêler divers dialectes : vocabulaires, syntaxes actuelles ou archaïques, lexiques soutenus, surannés, précieux ou familiers … Si d’une part, l’épopée eut tendance à se muer, depuis Ovide, en poèmes brefs à tonalité épique et d’autre part si ce poème fut selon Hegel, remplacé, dans ses fonctions fondatrices par le roman, « épopée bourgeoise moderne », ne peut-on pas considérer que les chansons, formes brèves, elles aussi, restent les mieux placées pour alimenter verve, socle et fable épiques des peuples d’antan et d’aujourd’hui. C’est en tout cas ce que l’on constate avec le répertoire de Jacques Douai, ce funambule aux frontières d’un pays entre chansons de toile, chansons de geste et danses paysannes ; celui de Jacques Bertin, cet amoureux de la francité ; celui de Philippe Forcioli, ce marcheur sur horizons méditerranéens. «Que vouliez-vous donc la belle ? Austérité, force percutante du rythme appuyé de la marche, intensité dramatique ascendante du refrain, c’est Jacques Douai qui met en musique « ce siège » de la ville protestante, affamée, dépeuplée et réduite à la capitulation en 1628 et porte avec une conviction vocale sans faille, ce texte d’Aragon écrit en 1944, qui comme tous ses poèmes de guerre, sont des récits détournés d’une histoire de France à entendre avec arrière plan d’emprise
allemande et conflit mondial. Pour Jacques Bertin, l’esprit de la chanson de geste du Roy Renaud est bien là. Et c’est dans la continuité qu’on la retrouve chez Bertin puisque du titre des Ponts de Cé mettant en musique dès son premier album, ce texte d’Aragon de 1942, jusqu’aux derniers albums de « La jeune fille blonde », de « No surrender », de « Comme un pays », cette pensée épique se maintient par touche, éclat, vague ou fresque en des tonalités toujours plus approfondies. «J’ai traversé les ponts de Cé Une chanson des temps passés Et j’ai bu comme un lait glacé La Loire emporte mes pensées Et les armes désamorcées Ô ma France ô ma délaissée » […/…] « Toutefois ce qu’il chante dans cette gravité si spécifique, ce sont moins des hauts faits que des images exemplaires encore communes d’un passé présent empaysé.[58]»[59]Cet extrait de la jeune fille blonde s’inscrit dans cette fidélité à l’identité native, dans cette connivence sans détour mais comme arrachée à « l’étonnement d’un deuil » : «Merci pour la joie ancienne Car ce
qu’il chante dans cette gravité spécifique « ce sont aussi faiblesses
extrêmes et hautes chutes, de celui qui reste toujours un sujet, qui se fait
héros consubstantiel à un peuple toujours menacé ».[60] Le pouvoir du chant[61], longue incantation à valeur et stature testamentaire proclame dans la métrique de l’alexandrin, cette foi tourmentée du guide mythique porteur de voix fécondante, agissante pour les siens : […/…] « Je suis la solitude à la fois et le nombre et le nombre Je suis la solitude à la fois et le nombre et le nombre Chantant, je suis la voix massive des forêts Je chante car je suis en pierre du pays Car je suis le vin de ma cave et de ma vigne Et je suis à moi-même mon puits et je nomme Je prends bien la lumière, car je suis un homme ! Il est dans son chant, l’homme libre et prisonnier Je suis ce que nous sommes nous sommes Je suis tout l’homme et tous les hommes La vérité : le chant de la bête de somme » […/…] Et si Bertin déclare finalement n’avoir fait autre chose jamais que chanter ce pays et ses bannières, c’est en effet d’abord en le nommant de lieux en lieux. Nommer, ils deviennent des emblèmes. La Loire sous toutes ses lumières et tous ses envoûtements, Louvigné-du-désert, Denfert, le Petit Anjou, Redon, le train de Combourg et Dol, Les gens de Chalonnes, les Flandres, la Bretagne de Pierre, Jacques, Yves et Joël, A Besançon où l’on fait des vers avec l’espoir, avec la vie avec les ongles qui s’accrochent au
réel, et puis des quais, des rues, des cafés, des hôtels,
des gares, les petites villes transies dans le froid de l’hiver : les chansons de Jacques Bertin sont riches de toponymes dessinant une véritable cartographie affective des tournées, des amitiés, des enracinements, des amours, des liens à l’actualité immédiate. L’épopée du pays se donne au plus sensitif dans celle de ses paysages parcourus, éprouvés, retenus dans le regard, dans la mémoire et dont son chant nous transmet le roman. […/…] « Du chant versé dans un verre Sur le pays sa lumière Sur ses fumées et les hiers Sur sa grandeur et sa misère» […/…] Je suis de mon chant mon chant est comme d’un pays Je suis du chant comme d’un pays[62]» […/…] Chez Forcioli au chant du pays d’origine gardé dans un silence rarement levé - Mon Algérie ma terre natale, je ne puis plus te parler, ni regarder l’enfant qui râle troupeau d’agneaux égorgés- s’est substitué le chant de la terre d’adoption plutôt à travers ses rituels saisonniers, ses reliefs, ses arbres, ses vents, ses granges qu’à travers son identité historique la plus saillante. Villar-en-val, Aubagne, Blanc Garlaban, Sainte Baume … Forcioli chante aussi les toponymes déclinés cette fois selon des symboliques plus terriennes. Sa vertu homérique est elle, plus rustique, plus cosmique, attachée à l’hommage des terres paléolithiques, d’une campagne française lue à travers les souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol. « Blanc Garlaban au vent du nord Le nord vient bleu sur ton rocher Tu parles d’un passé de source De mousse et d’arbres et de gibier Chemins étroits dans les ravines Collines de pins parasols Et mille oiseaux en farandole Un petit âne dans un pré[63]» […/…] Mais sa voix de prophète du Jadis fouille la terre dans la diversité de ses dialectes. Forcioli alterne langue française et langue occitane dans la même chanson ou bien il chante en langue corse - celle de son père : autre façon de s’approprier son histoire dans l’histoire longue de ce pays. Mais son hymne aux contes et légendes de la terre et du peuple paysan, métonymie de toute humanité, culmine dans cette masculine et fraternelle chanson du Pain[64]sur fond de cultures méditerranéennes où olive, pain, huile constituent des éléments matériels et symboliques essentiels : […/…] « La semaille était bonne et la moisson belle aussi (Refrain) J'avais le cœur pétri par des mains de sève Cette mère … cet Ithaque … On croise de nombreux portraits de femmes dans ces chansons d’hommes, qui vont de l’hymne ébloui aux stances des plus amers désenchantements. Amours passionnés joyeux, douloureux, amours furtifs, amours rêvés, gourmands ou sublimés : toute la carte du Tendre s’y déploie entre préciosité de la ballade ancienne et composition plus réaliste et plus syncopée. Toutefois les différences entre les accentuations toujours courtoises d’un Douai (La belle au jardin d’amour[65], Les douces douleurs[66]…) et celles tout à fois plus tragiques (L’Europe[67], L’aube à Cassis[68]…) et plus donjuanesques (La mâle mort[69], Mes amies[70]…) d’un Bertin sont peu propices à une étude transversale brève. D’autre part, ce thème amoureux est aussi le plus chanté de tous les répertoires ; c’est donc sur une autre topique de ces chants que nous allons concentrer notre attention, à savoir l’image maternelle et les tropismes existentiels qu’elle cristallise. Si l’étoffe de ces
chansons est bien faite de l’épopée du pays et des peuples, le lyrisme de l’enfance en façonne bien l’envers le plus affirmé. Sur noyau œdipien sans surprise, ces hommes « de boue de sang d’argile de chêne ou de roseau[71] » qui chantent, placent la silhouette de leur mère comme toile de fond d’un monde espéré, évanoui, retenu. Un visage peint « je lui donne le nom de ma première enfance, de ma première fleur, de mon premier été [72]», une voix « d’onde pure[73] », des mains « veillant des mains de mère [74]», des travaux dans le tricot des jours « Aujourd’hui mardi, ta mère repasse le linge, elle est sans nouvelle de toi[75] » : ce sont d’abord des images délicatement incarnées qui affleurent. A la figure idéalisée de la mère est associée toute une chaîne de symboles : celui de la maison d’antan, maison-refuge reconstruite dans le souvenir « du berceau des innocents[76] », celui de la maison à venir, projetée comme enveloppe d’un apaisement quand la soif de bonheur familial ou le désir de plénitude souveraine vous tenaillent, et que sachant ce foyer introuvable, vous fuyez sur les routes « … des appartements qu’on investit, qu’on déserte, des couloirs comme des amours[77]» hésitant entre élan érotique du partir - « cette folie qui nous délivre[78]» -et fêlure du regret, car « vint un jour où le cœur ce drôle, c’est une étoile dans un cachot [79]». A la maison d’hier ou de demain, toujours taillée dans le rêve plutôt que dans la pierre - « construisez-moi une maison dans le ciel libre très haut, très loin de l’autre côté de la mer, une maison plantée au sommet d’un vieux livre [80]» - il faut ajouter un symbole plus abstrait, celui de la forteresse dressée contre l’injustice, la vanité des choses, l’égarement ambiant, contre les bruits et fureurs du monde, « de ce siècle babouf[81]», contre la finitude même des vies humaines, « pour le peu de temps qui me reste, un cap dressé haut contre la vague du temps[82]». Autre symbolique plus abstraite liée à l’étendard maternel, les images d’autres femmes semblables, « vous vous trompez, la peine creuse les mêmes rides au front des mères[83] », solidaires évoquant le versant sororal de l’humanité et les contours d’un peuple s’émancipant, cette fois, au féminin, « O jeunes femmes qui descendiez sur Besançon cette année-là vers le quinze août en portant comme un sacrifice vos clameurs[84]». Et voilà le refuge maternant du foyer parental, du vieux bonheur « des draps qui sont pliés dans l’armoire à la place des draps, et l’heure à la place de l’heure [85]», « qui rassemble dans cet écrin-là tous ses enfants[86] » mué en « espoir d’un monde à construire qui serait aussi beau que le monde perdu [87]». Enfin au centre de la scène de ces images-sources de la mère, il y a les berceuses ; « Je veux dormir, mère chantez, de votre voix qui est si belle[88] »… si douce et matrice de murmures mythiques, fondateurs disant « la clef des songes est dans ma main [89]». Ces « gémissements de gorge humaine, depuis plus de six mille ans, c’est l’écho des cantilènes que me chantait ma maman [90]» ; ce sont là vibrations inoubliables, inouïes dans le chant des fils ... Errances et mélancolies « Où tu vas poser ton sac, fais un lit avec tes larmes[91] » semble la réponse la plus adaptée à ces Ulysse toujours partant, toujours « trottinant à hauteur d’alouette[92] » en attente d’un havre toujours fuyant. « La tristesse est monotone ; la mélancolie est protéiforme […] Son malaise naît en même temps que la culture, lorsque l’homme se découvre double. Non pas Un mais duel, et portant l’autre en soi. Elle [la mélancolie] fait spéculer sur les possibles, sur leurs diverses combinaisons ; elle excite les fantasmes, déchaîne les images intérieures, suscite une foule de visions. Le mélancolique est l’homme des rêves et des rêveries, des fictions et des chimères ; de l’allégorie aussi qui produit des êtres autres »[93]. Bien plus qu’un symptôme à classer dans une nosographie quelconque, la mélancolie aux manifestations plurielles, renvoie à nos énigmes. « Énigme de notre finitude ; énigme de la mort et du langage[94] » qui nous exposent « au mal vivre » sans lequel on ne saurait bien vivre. C’est sur cette inquiétude d’humaine clairvoyance, sur ce montage culturel[95] du sentiment d’exister entre vie et mort liées que s’ouvrent les chants de Douai, Bertin et Forcioli. Ces trois artistes sont des êtres ayant assumé des ruptures décisives ; Bertin au seuil du métier de journaliste, se trouve jeté presque malgré lui, dans l’univers chansonnier. Douai quitte l’usine et devient « saltimbanque ». Forcioli enfant de l’exil, quitte l’école et sa famille à dix sept ans pour exercer divers métiers et s’enfoncer « au pas du fou, à pas de loup » « dans le mal de poésie ». Ce tragique de l’être séparé de lui-même qui est au cœur de toute expérience humaine, ils en connaissent les tempêtes, les déserts, l’éternel retour puisqu’il est constitutif de leur mode d’accès à la vie d’artiste. Aussi ce fardeau d’intime mélancolie est-il aussi l’aiguillon de leurs créations, haussant leurs chansons d’hommes sans ambiguïté cette fois, au sens le plus universel de ce vocable. Ne pouvant pas, dans ce cadre, explorer toutes les variations de cette identification mélancolique propre à chacun d’eux, contentons nous de quelques traits les unissant dans ces contrées d’ombre. Tout commence avec cette « faille dans la joie de vivre chantée dans les chansons de jeunesse[96] » : « Compagnons de la rose on dit qu’un matin la rose s’espace, qu’un jour le murmure s’éteint[97] ». Puis, la faille devient « dans la coque, la vieille fêlure, l’humidité qui suinte comme l’éternel poison[98] » et si « la vie a passé comme un charme [99]», il « vient un jour où le cœur se lasse non point d’aimer mais de souffrir [100]». Cette sensibilité aiguisée à la fuite du temps qui se dit d’abord à travers l’écran et la poétique des réminiscences littéraires « un jour nous nous embarquerons, mon doux Pierrot, ma grande amie, pour ne plus jamais revenir [101]» se dévoile plus cruellement comme description du processus de vieillissement : « on garde la pudeur, on s’économise, on parle des révoltes les yeux las[102] » ; et l’on sent poindre le glissement vers l’inéluctable « Tu sais, je sais, tu sais qu’inévitablement un jour, tu sais, la vie bénie, tu sais, un jour nous trahira [103]». Cette sagesse paradoxale du chant des mélancolies à l’écoute du temps, défiant le temps « et l’homme apprend à être l’épave du temps[104] », s’intensifie quand elle affronte tour à tour, l’évènement, l’idée ou le mystère de la mort. L’irreprésentable impose sa fascination, sa terreur, sa mutité « et la mort scandale infini, on entend clair que dans la nuit[105] », son évidence crue comme un fait divers « Ce jour-là tu t’en vas à l’école sans manger : une pomme, une prière, notre voisin est mort et je suis en retard [106]»; L’irreprésentable instille des résignations lugubres et des découragements profonds « L’autre jour c’était moi que l’on mettait en terre et je me regardais n’être plus rien[107] » ; sa fatalité porte au vertige suicidaire « Ce soir la mort pose son mufle chaud sur mon épaule[108] » à moins que le ressort d’une sérénité sublime « Et ce jour-là tu sais qu’irrésistiblement nos âmes renaîtront à la vie comme un matin d’été [109]» ou l’appel métaphysique ne vienne porter secours à qui chante : « Il restera de nous qu’un soleil d’évidences dansant nu et très fou sur l’autel de l’enfance[110] ». A contretemps « Qu’est-ce qu’un artiste sinon un être qui affronte sa médiocrité et montre ce combat contre l’ange comme ce qu’il y a en l’homme de plus humain ? Tout le reste n’est que posture » écrit Jacques Bertin. Cela résume bien pratiques et visées de ces trois œuvres. Qu’ils soient traités de façon épique, lyrique, élégiaque, leurs thèmes, mélodies, arrangements de prédilection sont anachroniques. Autrement dit, considérés tantôt comme intemporels, tantôt comme obsolètes. Pourquoi chanter « la permanence du fleuve », quand tout pousse à devenir héraclitéen ? Pourquoi chanter le peuple, le pays, l’histoire, la langue, la beauté quand la précarisation des un(e)s et des autres se précipite sous l’emprise de la mondialisation ? Peut-être pour se situer (intentionnellement ou non) dans ces lieux des vrais interdits de pensée, d’être et de parole, qui sont les lieux privilégiés de l’art véritable ; celui qui s’expose aux confins d’un indicible travaillé par des censures sociétales diffuses et des refoulements s’intériorisant toujours plus avant. Au plus dépouillé, sans effet de parure, sans jeux de lumière, de décor ampoulé, Forcioli apparaît sur scène : guitare en main, tunique sombre. Il chante. Quittant sa guitare, il se fait récitant, incruste par intervalles de longs passages a capella. Le public ravi, l’écoute religieusement, un peu étonné cependant de voir cet homme chanter pieds nus, comme le petit enfant du poème de René Guy Cadou. Et cet anachronisme qu’ils paient « cash, en devises fortes et avec le sourire [111]», vient de loin. Jacques Douai dont la mairie de Paris ferma en 2001, le Théâtre du jardin d’acclimatation, avait connu le même affront dès les années soixante quand sous l’influence d’Emile Basiani, la politique du ministère de la culture changea d’optique par rapport aux associations de l’Education Populaire. Les rapports d’inspection se firent cinglants et Jacques Douai en fait les frais. « Quant à moi, je ne vois pas la raison d’être … de ces arrangements pseudo-artistiques, d’un pseudo-folklore, aussi étrangers à la véritable vie des traditions populaires qu’aux reconstitutions des musée …. [112]» : l’émissaire des classes parlantes avait prononcé son verdict signé du sceau de son mépris. Jacques Douai perdit son premier théâtre de la chanson, son rêve augural. Bibliographie Livres,
articles BAKHTINE,
Mikhaïl, Esthétique et théorie du roman, éditions Tel
Gallimard, Paris, 1987 BITOUN, Pierre, Les hommes d’Uriage, La Découverte,
Paris 1988 De CERTEAU, Michel, La culture au pluriel, Ed. Christian Bourgois, Paris, 1980 DENIOT, Joëlle, En
bordure de voix, in Volume ! 2003 DENIOT, Joëlle-Andrée, Edith
Piaf, images pour une voix, Cahier n°2 Lestamp-habiter-PIPS, Avril 2010 DUFOUR, Jean, Jacques
Douai, L’art et le partage, Editions Le bord de l’eau GARAPON, Paul, Métamorphoses de la chanson française, in
Esprit, Juillet 1999 HEGEL, Cours
d’Esthétique, Aubier, Paris, 1997 HERSANT, Yves, Mélancolies, Paris, Laffont, 2005 MERLEAU-PONTY, Maurice,
Phénoménologie de la perception, Gallimard, Paris, 1945 QUIGNARD, Pascal Les ombres errantes, Grasset, Paris 2002 SCHLERNITZAUER, Lucienne, La chanson de Jacques Bertin, Editions de L’Araucaria, 1986 URFALINO, Philippe, L’invention
de la politique culturelle, Hachette Littératures, 2004 ZUMTHOR, Paul, Introduction
à la poésie orale, Le Seuil, Paris, 1983 Communications REAULT, Jacky, Pays,
paysans dépaysements. Le retour des peuples ? in Les sociétés
de la mondialisation, colloque Nantes
Lestamp 2,4 décembre 2004, http://www.lestamp.com REAULT, Jacky, « Je
chante car je suis en pierres du
pays » : Jacques Bertin, l’amour fou de quelle francité ?
Septembre 2008, The University of Manchester. [1] Sous l'impulsion de Jacques Bertin, le prix Jacques Douai fut créé pour "faire vivre la chanson poétique francophone, le répertoire" et porter les idéaux de Jacques Douai: "de célébration de l'art de la chanson, de respect du public, et d’émancipation par la culture et l'Éducation populaire". Les lauréats furent Gérard Pierron en 2007 et Remo Gary en 2008, Hélène Martin et Philippe Forcioli en 2009. [2] C’était le surnom donné à cet artiste chantant entre autres Chrétien de Troyes, Rutebeuf et Villon et qui semblait ainsi restituer un moyen âge imaginaire [3] Titre d’une chanson de Jacques Bertin où il s’auto-désigne ainsi in La jeune fille blonde CD 2002 [4] Auto-présentation de Forcioli en concert, sous forme de poème. [5] Comme dans la chanson Faut-il être fou in premier disque de Jacques Bertin [6] J. Bertin La Loire in Comme un pays, CD 2010 [7] Formule de Maurice Merleau-Ponty in Phénoménologie de la perception, Gallimard, Paris, 1945 [8] Concept de Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, éditions Tel Gallimard, Paris, 1987 [9] Dans ses derniers CD, nous prendrons pour exemples : Quand recevrons-nous des renforts … ? in La jeune fille Blonde - 2002 ; Le pouvoir du chant, in No Surrender - 2005 ; Le
passé ? in Comme un pays – 2010 ; Sur ce thème de l’épopée cf. Jacky Réault, Lestamp, Communication, Je chante car je suis en pierres du pays”: Jacques Bertin, l’amour fou de quelle francité ? Annual Conference, Constructing French Identity/Identities, Association for the Study of modern and Contemporary French. 5-6 septembre 2008, The University of Manchester. [10] La chanson A Besançon est à ce titre une des plus connues, mais plus généralement ne pas oublier que Jacques Bertin est journaliste de formation, qu’il fut jusqu'au printemps de l'année 2000, chargé des pages culturelles de l'hebdomadaire Politis, auquel il a continué de contribuer par des chroniques jusqu'en 2001, avant de le quitter sur un différend politique. Il a dans ce fil publié Chroniques du malin plaisir, Editions Corlet, coll. Panoramiques, Paris 2005. [11] Tant et si bien que Paroisse est désormais au programme littéraire des collèges [12] Paroisse, J.Bertin, CD Le grand Bras, Les îles, disques Velen, 1999 [13] Extrait de la chanson Le Passé ? CD cité [14] Concept de Michel de Certeau, La culture au pluriel, Ed. Christian Bourgois, Paris, 1980 [15] Extrait de la chanson de J.Bertin, Un voyage in CD Ma vie, mon œuvre, disques Velen, 2004 [16] Jean Dufour, Jacques Douai, L’art et le partage, Editions Le bord de l’eau, [17] Moi les mots, chanson de Ph. Forcioli, in cd L’homme de boue, Harmonia mundi, 2001 [18] Son CD intitulé François d’Assise, lui vaudra le prix de l’académie Charles Cros en 1995. Admirateur de Brassens et de René-Guy Cadou, Forcioli l’est aussi de Francis Jammes dont les inspirations furent et son pays basque et sa foi réinventée au catholicisme ; tournant sensible dans sa poésie d’après 1905. [19] Dans ces derniers CD, les chansons Miserere in No Surrender, Petits curés in Comme un pays témoignent avec force de cette attitude [20] Ode à François d’Assise, Forcioli in CD Homme de Boue [21] Gloire à vous, Bertin, in CD No Surrender [22] Amis et frères, Philippe Forcioli, in CD l’homme de boue [23] Pierre Bitoun, Les hommes d’Uriage, La Découverte, Paris 1988 [24] J.Bertin, extrait du livret présentant Ma vie, mon œuvre. Sur ce thème du Languisme et de l’étouffement du circuit indépendant de l’art de la chanson cf la conférence donnée à l’université de Nantes dans le cadre du master Culture et Société EPIC, 25 ans de régression culturelle enthousiaste http://www.sociologie-cultures.com [25] Idem extrait du livret Ma vie, mon œuvre [26] Ils leur consacrent une chanson Ah, vieil ami… dans son dernier CD, Comme un pays, Velen 2010 [27] Formule de René Char [28] J.Bertin lui consacre un livre Félix Leclerc, le roi heureux, Arléa, 1987. Jacques Douai est un des premiers à faire connaître cette génération de chanteurs québécois [29] Composée par Léo Ferré en 1953 et figurant dans son enregistrement de « Paris Canaille » au Chant du Monde. Jacques Bertin chantera lui aussi Le Bateau espagnol et L’étang chimérique lors de son concert public de Janvier 89 au café de la Danse à Paris. [30] Paul Garapon, Métamorphoses de la chanson française, in Esprit, Juillet 1999 [31] J. Bertin [32] Témoignage de Jacques Bonnadier [33] René Guy Cadou, de Louisfert à Rochefort-sur-Loire, film de J. Bertin, réalisation d’Annie Breit [34] J. Bonnadier [35] Ph. Forcioli [36] Sur ce thème cf. Espaces, temps et territoires, Dir. Joëlle Deniot, Jacky Réault et Léonard Delmaire, Cahier du lestamp-Habiter-PIPS n°2, 2010, Interlude n° 2 [37] Le sens même des mots comme un donjon tomba, « La grande crue de 2001 », J.Bertin, in La jeune fille blonde [38] Curés rouges, Bertin in « Comme un pays » [39] Ainsi nommée par Forcioli dans le livret [40] Extrait de la chanson Le passé ? in «Comme un pays » [41] In Noir et blanc, titre qui figure sur son Album «Voleurs de feu » (1986) [42] Joëlle Deniot En bordure de voix, in Volume ! 2003 ; Edith Piaf, images pour une voix, Cahier n°2 Lestamp-habiter-PIPS, Avril 2010 [43] Bertin, La part du silence [44] Bertin, La part du silence [45] Du latin tacitum : ce qui est tenu dans le champ aveugle du langage [46] Vision à la ginguette in Album « Comme un pays » [47] Le pouvoir du chant in Album «No Surrender » [48] Miserere in Album «No Surrender » [49] Cimetière des théâtres morts in Album « Le poids des roses » (bertin) ; Il restera de nous in Album «Le temps des bleuets» (Forcioli) ; semblables en cela à GillesVigneault [50] Paul Zumthor, Introduction à la poésie orale, Le Seuil, Paris, 1983 [51] Jacques Bonnadier [52] Amis soyez toujours …finit souvent ses récitals [53] Aux funérailles au funambule in Album «No Surrender » [54] L’aube sur le jardin des plantes est aussi l’un de ces classiques. [55] Les termes employés sont de J.Bertin, La part du silence, in chronique sur son site [56] Pascal Quignard, Les ombres errantes, Grasset, Paris 2002 [57] Hegel, Cours d’Esthétique, Aubier, Paris, 1997 [58] J Réault, Pays, paysans dépaysements. Le retour des peuples ? in Les sociétés de la mondialisation, Communication colloque Nantes Lestamp 2,4 décembre 2004, http://www.lestamp.com [59] J. Réault, Lestamp, Communication, « Je chante car je suis en pierres du pays » : Jacques Bertin, l’amour fou de quelle francité ? 2008, The University of Manchester. [60]
Jacky Réault, Lestamp, Communication déjà citée « Je chante car je suis en pierres du pays » : Jacques Bertin, l’amour fou de quelle francité ? [61] In album No Surrender [62] In album Comme un pays [63] Blanc Galaban in album L’homme de boue [64] In album Quand une chanson s’avance, 2007 ; [65] Folklore picard 2’03, In Album Jacques Douai, Chansons poétiques anciennes et modernes CD 642282 [66] Seghers/Douai, 2’18 in album CD précité [67] 3’08 In Album Hôtel du grand retour, CD VOO8 [68] 2’24 in Album CD précité [69] 2’08 in Album Comme un pays, CD V 016 [70] 2’58 IN Album précité [71] Forcioli, Chanson de l’homme de boue, 4,40 in Album Homme de boue CD 274 1139 [72] Douai, Son visage, 3’29, in Album Héritage, BAM 1979 [73] Forcioli, Chanson de l’homme de boue, 4,40 [74] Bertin, Des mains, 2’40, in Album Ma vie, mon œuvre, CD V013 [75] Bertin, Voilà c’est cette nuit, 2’25 in Album Intégrale, volume 3, CD V007 [76] Forcioli, Chanson de l’homme de boue, 4,40 [77] Bertin, Je te rencontrerai dans un rêve inversé, 3’37, in Album Fête étrange, CD V003 [78] Bertin, Les noyés, 3’25, in Album, Ma vie, mon œuvre, CD V013 [79] Forcioli, Destin d’Orphée, 2’25 in Album Homme de boue CD 274 1139 [80] Bertin, Pour la fin des errances, 3’11in Album Comme un pays, CD V 016 [81] Babouf signifiant fou en arabe, Philippe Forcioli, Chanson de l’homme de boue, 4,40 [82] Bertin, Pour la fin des errances, déjà citée [83] Forcioli, Chanson de l’homme de boue, 4,40 [84] Bertin, A Besançon, 2’30, in Album Intégrale, volume 3, CD V007 [85] Bertin, Je sonne chez vous, 1’13, in Album Intégrale, volume 2,CD V0006 [86] Bertin, Paroisse, 3’13, in Album Intégrale, volume 3, CD V007 [87] Lucienne Schlernitzauer, La chanson de Jacques Bertin, Editions de L’Araucaria, 1986 [88] Bertin, Mère, chantez-moi, 3’34, in Album Fête étrange, CD V003 [89] Douai, Berceuse de Marianne, 1’15, in Album Héritage, BAM, 1955 [90] Forcioli, Chanson de l’homme de boue, 4,40 [91] Bertin, Un voyage, 2 ’45, in Album, Ma vie, mon œuvre, CD V013 [92] Forcioli, Au pas du fou, 4’50, in Album Homme de boue [93] Yves Hersant, Mélancolies, Paris, Laffont, 2005 [94] Yves Hersant, op.cit. [95] Expression de Pierre Legendre, De la société comme texte, Fayard, Paris, 2001 [96] Lucienne Schlernitzauer, op.cit. [97] Bertin, Compagnon, 2’19, in Album Intégrale volume 1 CD V004 [98] &nbs |