Être vieux ?






Être vieux ? Oh, je me voyais...
rassasié comme un paysage
peuplé de noces de campagne
festoyant en rires et chants

mais non, je me suis senti comme
un camion lassé du voyage
bourré de mobilier sans âge
et aucune chanson d'enfant

ou ce vieux meuble dans l’entrée
très fier, avec son pied cassé
et sa conception compliquée
qui interdit de le bouger

je me suis senti comme un peuple
dont il ne faudrait plus parler
sur de longs chemins, égaré
sans savoir aller où – un peuple...

soudain je me suis senti vieux
amours éteints par des vents sales
aventures à fond de cale
réussites à un cheveu

ou un chapitre dans un livre
pas marrant (rien que des longueurs...)
lui, assiégé par des vainqueurs
le héros cherchait juste à vivre

ainsi je suis dans mon retrait
et je vous invite à ma table
et à y trinquer, innombrables
plus léger je me sentirai

les vieux, ça fait ça, ça mitonne
eh oui ! Au lieu de s'adapter
les vieux, ça fait ça, ça pardonne
même au vent qui fait que tourner

malheureux, non ; mais transitoire
navigant parmi l'illusoire
c'est un p'tit peu lourd à gérer
un p'tit peu lourd à digérer

soudain je fus vieux pour de bon
ah, vous ne pouvez pas comprendre !
on risque pas de m'y reprendre
j'ai dit vieux, eh ! j'ai pas dit…

Ce qui reste, ce qui vient