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Jacques
Bertin, cohérence du fleuve
Par Nicolas Céléguègne
le 7 avril 2025
À
21 ans, celui qui aurait pu se contenter d’être le successeur d’un
Jacques Douai, d’un Jacques Brel ou d’un Léo Ferré, s’applique déjà à
lui-même une exigence sans faille dans l’écriture de ses chansons,
comme dans Corentin ou Revoilà le soleil. S’inspirant d’une facture
classique (couplets, refrains, octosyllabes ou alexandrins, rimes),
Bertin prend peu à peu ses distances avec les mots, les rythmes, pour
se recentrer sur l’essence même de sa poésie, débarrassée des
artifices. Musicalement, ses chansons sont, parfois, proches de la
mélopée, mais les mélodies surprennent par leur richesse : réécoutons
ainsi La lampe du tableau de bord, Les grands poètes sont comme des
fleuves silencieux, Claire… Surtout, il y a ce jeu de guitare,
tellement singulier et simple, avec des arpèges subtils, des accords
joués avec précision, comme le faisaient Félix Leclerc ou Julos
Beaucarne. Cela s’entend dans Le temps a passé comme un charme ou Je te
rencontrerai dans un rêve inversé. Après Barthélémy Rosso et François
Rabbath – deux arrangeurs qui ont sublimé les chansons de Brassens,
Ferré, Sylvestre pour le premier et Barbara, Caradec, Dautin pour le
deuxième – Bertin travaille longuement avec le duo Siegfried Kessler et
Didier Levallet : le free jazz lui ouvre la voie à une écriture plus
épurée.
Au fil des albums, l’univers de Bertin est sombre,
mélancolique, mais empreint d’amitié, d’amour, d’enfance, du besoin de
dire le monde dans sa beauté et dans ses horreurs (en témoignent
Ambassade du Chili, Carnets, Morte pour des idées, À Julos…). Ce
premier volume de l’Intégrale (qui en comportera deux autres) permet
aussi de réécouter le Bertin interprète : à ce titre, le disque
Changement de propriétaire reste un album marquant, il y chante Aragon,
Bérimont, Ferré, Salvador, Dimey, Gougaud, Sommer, ainsi que deux de
ses amis de la Bande des cinq : Vasca et Brua. Luc Bérimont, lui, a
fait l’objet d’un autre album, avec les poignants Le voyageur et Je
t’attends aux grilles des routes.
L’un des homonymes de Jacques
Bertin était cartographe. C’est une coïncidence subtile car l’auteur
compositeur interprète, journaliste, producteur de ses propres disques,
est un cartographe des mots. Toute son œuvre, immense, passe par la
Loire, ce fleuve permanent qui prend sa source et file vers l’océan,
avec des houlements profonds, des ponts entre deux villes, des
banlieues emplies de paroisses et d’ouvriers, des auberges, des arbres
loin devant. Mais il y a aussi des centaines de routes, parcourues en
voiture ou en train. La lampe du tableau de bord, comme un sémaphore,
est une image qui reflète les trajets parcourus tout au long d’un
chemin de chansons (plutôt qu’une « carrière ») qui a duré de 1967 à
2022, tout de même, à côté des autoroutes qui mènent vers le succès.
C’est un choix à la fois éthique, poétique et viscéral, d’être dans la
marge.
Au-delà de ce premier coffret, partageons l’envie
d’écouter les interprètes de Jacques Bertin, comme Monique Tréhard ou
Natasha Bezriche, et les artistes qui ont puisé leur eau dans celle de
Bertin, consciemment ou non : Philippe Forcioli, bien sûr, mais aussi
Dominique A, Christophe Miossec, afin que le fleuve permanent ne cesse
d’atteindreÀ
21 ans, celui qui aurait pu se contenter d’être le successeur d’un
Jacques Douai, d’un Jacques Brel ou d’un Léo Ferré, s’applique déjà à
lui-même une exigence sans faille dans l’écriture de ses chansons,
comme dans Corentin ou Revoilà le soleil. S’inspirant d’une facture
classique (couplets, refrains, octosyllabes ou alexandrins, rimes),
Bertin prend peu à peu ses distances avec les mots, les rythmes, pour
se recentrer sur l’essence même de sa poésie, débarrassée des
artifices. Musicalement, ses chansons sont, parfois, proches de la
mélopée, mais les mélodies surprennent par leur richesse : réécoutons
ainsi La lampe du tableau de bord, Les grands poètes sont comme des
fleuves silencieux, Claire… Surtout, il y a ce jeu de guitare,
tellement singulier et simple, avec des arpèges subtils, des accords
joués avec précision, comme le faisaient Félix Leclerc ou Julos
Beaucarne. Cela s’entend dans Le temps a passé comme un charme ou Je te
rencontrerai dans un rêve inversé. Après Barthélémy Rosso et François
Rabbath – deux arrangeurs qui ont sublimé les chansons de Brassens,
Ferré, Sylvestre pour le premier et Barbara, Caradec, Dautin pour le
deuxième – Bertin travaille longuement avec le duo Siegfried Kessler et
Didier Levallet : le free jazz lui ouvre la voie à une écriture plus
épurée.
Au fil des albums, l’univers de Bertin est sombre,
mélancolique, mais empreint d’amitié, d’amour, d’enfance, du besoin de
dire le monde dans sa beauté et dans ses horreurs (en témoignent
Ambassade du Chili, Carnets, Morte pour des idées, À Julos…). Ce
premier volume de l’Intégrale (qui en comportera deux autres) permet
aussi de réécouter le Bertin interprète : à ce titre, le disque
Changement de propriétaire reste un album marquant, il y chante Aragon,
Bérimont, Ferré, Salvador, Dimey, Gougaud, Sommer, ainsi que deux de
ses amis de la Bande des cinq : Vasca et Brua. Luc Bérimont, lui, a
fait l’objet d’un autre album, avec les poignants Le voyageur et Je
t’attends aux grilles des routes.
L’un des homonymes de Jacques
Bertin était cartographe. C’est une coïncidence subtile car l’auteur
compositeur interprète, journaliste, producteur de ses propres disques,
est un cartographe des mots. Toute son œuvre, immense, passe par la
Loire, ce fleuve permanent qui prend sa source et file vers l’océan,
avec des houlements profonds, des ponts entre deux villes, des
banlieues emplies de paroisses et d’ouvriers, des auberges, des arbres
loin devant. Mais il y a aussi des centaines de routes, parcourues en
voiture ou en train. La lampe du tableau de bord, comme un sémaphore,
est une image qui reflète les trajets parcourus tout au long d’un
chemin de chansons (plutôt qu’une « carrière ») qui a duré de 1967 à
2022, tout de même, à côté des autoroutes qui mènent vers le succès.
C’est un choix à la fois éthique, poétique et viscéral, d’être dans la
marge.
Au-delà de ce premier coffret, partageons l’envie
d’écouter les interprètes de Jacques Bertin, comme Monique Tréhard ou
Natasha Bezriche, et les artistes qui ont puisé leur eau dans celle de
Bertin, consciemment ou non : Philippe Forcioli, bien sûr, mais aussi
Dominique A, Christophe Miossec, afin que le fleuve permanent ne cesse
d’atteindre l’océan.
l’océan. |
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Jacques
Bertin, Le chant d’un homme – Intégrale volume 1 (coffret 5 CD), EPM
2025, sous la houlette de Jean-François Grandin et de Michel Boutet.
Regroupe les disques enregistrés entre 1967 et 1988.
Nicolas
Céléguègne
Jacques
Bertin, le monument intégral !
Par
Michel Kemper
le 6 septembre 2025
A
propos de cette monumentale intégrale, reprenons ce qu’écrivait René
Bourdier dans Les
Lettres françaises à
la sortie du premier album de Jacques Bertin, en 1967 :
« Un
événement important dans la chanson française ». Cette
intégrale l’est tout autant. Sauf qu’à l’époque, une telle appréciation
avait son importance ; aujourd’hui elle se perdra dans le
silence qui
désormais nimbe la chanson « hors business ».
N’empêche, cette
intégrale en trois coffrets de chacun cinq CD, 384 titres dont 13
inédits (notons qu’il y eut jadis une intégrale Bertin, déjà chez EPM,
épuisée depuis longtemps) couvrant près de six décennies, est pour
toujours un rare événement qu’il nous faut saluer. Et le coût modique
de chacun de ces coffrets pourrait tenter nombre de sincères amateurs
de chanson à oser découvrir et savourer Jacques Bertin en son entier si
pas encore fait. Reprenons Bourdier, qui poursuivait en le qualifiant
de « grand
chef de file, de ceux qui changent la face de la chanson, comme Trenet
il y a trente ans, comme Brassens il y a quinze ans. »
Le
rendez-vous avec la célébrité n’a cependant pas eu lieu ;
Bertin n’a
pas changé la face de la chanson, il a simplement mené en parallèle,
sur une route bien moins fréquentée, une œuvre remarquable, unique,
sans concession, sans abdiquer sa ligne courageuse, poétique,
déterminée. Peu n’ont jamais varié.
Tout
s’était d’ailleurs joué avant même l’enregistrement du premier album, Corentin,
en 1967. L’année précédente, poussé sur scène par des copains de
l’école de journalisme où ils étudiaient, Bertin, tout juste vingt ans,
gagne un concours de chanteurs organisé par le quotidien La Voix du
Nord. Le lauréat y rencontre Eddy Barclay, le magnat du disque, qui lui
propose un contrat. Offre que Bertin rejette : dès cet instant
il se
met hors business.
Les
deux précédents coffrets de cette intégrale ont rassemblé les dix-neuf
premiers albums studios et quelques titres épars. Dans ce troisième
volet, deux albums seulement (le Seul
dans le paysage de 2016
ainsi que le Ce qui reste ce
qui vient de
2019) mais tous les enregistrements publics de Bertin (au Théâtre de la
Gaité-Montparnasse en 78, au Théâtre de la Ville en 84, au Café de la
Danse en 89, aux Oiseaux de passage, à Québec, en 2000, et le Que
faire ? de
2007 enregistré au Gymnase Marie-Bell) : bien vu, car une
dizaine de
titres ne figurent pas dans les albums studio. « On n’est sur
scène ni
pour s’éclater, ni par narcissisme mais, en gros, pour faire le métier
de la parole : une ascèse » disait Bertin en 1979.
Ces six
enregistrements en public (s’il est un artiste dont on ne parlera pas de live,
c’est bien Bertin) en sont l’exemplaire démonstration, brillante de
talent et d’humilité.
Ce
magnifique travail a été coordonné pour EPM par Michel Boutet et
Jean-François Grandin. Ce dernier volet est introduit par un texte sur
« Bertin en public » de Philippe Geoffroy. Boutet,
lui, nous évoque
comment treize titres furent « sauvés des eaux », des
chansons
« inconnues à notre bataillon de la chanson
bertinienne », rescapées
d’un carton de photos. Et Michel Boutet de commenter à propos de
celles-ci : « Oui, ça sent le chantier en marche.
Mais l’émotion, la
colère, la tendresse et l’humour !… Et l’indicible
chagrin ».
Trois
volumes, toute une vie d’artiste en 3 x 150 grammes… Il y a parfois des
grammes qui pèsent un poids énorme !
Michel Kemper
Jacques
Bertin, Le
Chant d’un homme, 3 volumes, EPM 2025. Ce
que NosEnchanteurs
a déjà dit de lui, c’est là.
https://www.nosenchanteurs.eu/index.php/2025/09/06/jacques-bertin-le-monument-integral/
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