Le Monde Citoyen
4 octobre 2006

 

DE LA FERVEUR



 
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Donc, je laisse tomber l’actualité, qui m’assomme. Et je vous entretiens de quelques coups de cœur. Spécial copinage !

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Il faut, voyez-vous, une vraie ferveur, bien loin des glapissements énamourés des «fan» de tel ou tel chanteur à succès, pour mener à bien semblable entreprise : un film, un vrai long (63 mn, et des «bonus» en prime) documentaire sur Jacques Bertin, chanteur inconnu au bataillon hit-parade de la variétoche française. Ignoré, ou peu s’en faut, des «radios bavardes» qui enchaînent leurs auditeurs toujours aux mêmes boulets de l’insignifiance. Cette ferveur, ce fut celle de Philippe Lignières et Hélène Morsly, les réalisateurs de «Jacques Bertin, le chant d’un homme» ; et j’imagine le temps et l’énergie qu’ils ont dû mettre à réunir les concours financiers nécessaires à la production de cet hommage à celui que les initiés considèrent comme l’un des grands poètes vivants de notre temps. Chapeau.

Vivant, Bertin, ce n’est pas aux lecteurs de Politis qu’on l’apprendra — même s’il a cessé d’y tenir rubrique. Ici, ils fréquentaient le journaliste, le chroniqueur en ses plaisirs malins. Combien ont eu la curiosité d’approcher aussi l’homme qui chante ? L’homme qui met en rimes et en musique, depuis tantôt quarante ans (eh oui !), sa vie, ses combats, ses déchirures ? L’ami, le frère, l’obstiné de toutes les fidélités, l’ennemi irréductible de toutes les compromissions. Une œuvre copieuse, solide — des dizaines de disques et CD, mais aussi des livres et des films — s’est construite sous nos yeux, s’est offerte à ceux qui ont eu le goût et la persévérance d’y entrer ; et il y faut parfois un peu de courage, ce n’est pas un hall de gare, un moulin, une salle des pas perdus, l’œuvre de Bertin ; pas du Delerm ou du Renaud, de ces choses agréables à l’oreille mais peu consistantes. Comme toute œuvre d’art, la poésie, même chantée (et dieu sait comme Bertin chante bien, comme sa voix est belle, comme il sait la mettre au service de ses chansons) demande un peu d’attention et d’effort. C’est pour avoir, de longue date, pénétré l’univers de Bertin, s’en être imprégnés et nourris, que les auteurs de ce DVD ont eu à cœur de le faire partager, de nous y guider. Ils y parviennent si bien qu’on ne voit pas passer l’heure : Bertin y parle (pas que de lui : de la culture populaire en déroute devant les marchands et des reniements qui ont présidé à cette déroute, notamment), y chante aussi bien sûr, nous entraînant avec lui sur les bords de cette Loire dont il ne s’éloigne jamais longtemps, dans les rues de Chalonnes, cette «paroisse» assoupie où il a choisi d’installer ses pénates pour y vivre «le reste de son âge» (le petit Liré n’est pas loin …), comme un retour aux sources d’une enfance humble et heureuse qu’il ne s’est jamais vraiment remis d’avoir perdue. Et d’autres parlent aussi, copains de toujours, invités permanents de sa «fête étrange», témoins de son parcours, compagnons de route, admirateurs de son talent et de sa rectitude. Fier Bertin, qui a de fiers amis.

Que vous soyez déjà de ses fidèles ou que vous ayez encore tout à apprendre de Jacques (et ce film est alors une épatante introduction à son œuvre), ne manquez surtout pas de vous procurer ce DVD, tout tissé d’intelligence et de cœur. Ça m’étonnerait fort qu’on le trouve facilement dans les bacs : commandez-le direct aux producteurs !

[Bloc-Notes de Politis du jeudi 5/10/06]

« Jacques Bertin, le chant d’un homme », documentaire de Philippe Lignières et Hélène Morsly, Les Films du Sud, 13 rue André Mercadier, 31 000 Toulouse. 25 euros. Tel/Fax : (33) 05 61 63 92 11 – lesfilmsdusud@9business.fr
ou http://velen.chez-alice.fr/bertin

 

Bernard Langlois

L'aticle de Bernard Langlois, dans son intégralité :
http://lemondecitoyen.com/2006/10/04/treve-ou-greve/
ou
http://www.politis.fr/article1833.html