Félix Leclerc, le roi heureux
(Biographie)

1987

Editions Arléa
Editions Boréal (Québec)

314 pages

95 Francs

Félix Lelerc, par Jacques Bertin
 

Un soir, dans l'île d'Orléans, Félix a sorti de sa poche une enveloppe: "Toi, le biographe, j'ai écrit quelque chose pour toi." Nous nous sommes tus. Il a lu:

Pas d'affrontements dans mon œuvre
C'est une œuvre frileuse
Peureuse comme moi (...)
Rangez-moi avec les musiciens
Les outardes
Les innocents
Les contemplatifs
Toute ma vie loin de la foule
Mais aussi toute ma vie
Seul en face d'elle
A défaire des nœuds

J'ai cherché Félix Leclerc dans les chantiers de bûcherons de la Mauricie, vers 1850, dans les maisons des colons au tournant du siècle, en Abitibi vers 1920, au séminaire d'Ottawa, dans les radios d'avant-guerre où il faisait "l'annonceur". Il fut là-bas le premier écrivain à vivre de sa plume (un million de livres vendus). Il fut le hérault de l'indépendance, le père de la nation pour un pays qui n'est pas né.

Mais pour nous, il fut pendant 25 ans LE canadien rassemblant les foules, de Bobino au Théâtre de la Ville. Il fut l'ami de Brassens, Brel, Devos, des Compagnons de la Chanson, de Fernand Raynaud et Francis Blanche.

Avec Charles Trénet, il fut le premier auteur-compositeur-interprète. Pionnier chez lui. Premier chez nous. Félix Leclerc est vivant. Il vit dans l'ile d'Orléans.

Jacques Bertin (1987)

19 mai 1987

Félix Leclerc par Jacques Bertin

La "prise de parole" d'un peuple

De Jacques Bertin, on connaissait surtout les chansons ainsi qu'un ouvrage caustique et alerte: "Chante toujours, tu m'intéresses", où il démontait avec pertinence les mécanismes du show-biz. Voici qu'il se lance dans la biographie en publiant un livre consacré à son aîné québécois, Félix Leclerc.

Sa composition se démarque d'emblée des traditionnelles recensions d'anecdotes qu'affectionne le genre. Il s'agit, en fait, d'une investigation à caractère socio-politique dont les premiers repères remontent à la fin du XIXème siècle. Des procédés littéraires permettent de rester avec le personnage central de l'histoire tout en retrouvant, par de larges incises, les perspectives historiques qui permettent de comprendre combien cet homme du peuple a contribué à la prise de parole des Québécois. Ainsi, en perdant leurs complexes, les "ploucs" du lac Saint Jean ou de Gaspésie ont-ils osé assumer une culture qui, depuis, n'a cessé de s'émanciper.

"Ce qui n'était pas évident, souligne le chanteur rennais, car les Québécois ont longtemps souffert d'un sentiment d'abandon, ce qui explique le repli "dans le bois", symbole du repli sur soi. La résistance de ces bûcherons face aux Canadiens anglais, maîtres du pouvoir économique, fut celle du silence et de l'immobilisme, fermement encadrés par l'Eglise catholique dont le rôle pesant se retrouvait dans la structure sociale: enseignement, édition, hôpitaux, etc."

Depuis, les revendications sociales et politiques ont relégué l'Eglise dans un rôle plus discret. "Cependant, sans elle, les textes de Leclerc n'auraient peut-être pas été publiés. Car il faut savoir que dans "la belle province", c'est en tant qu'homme de radio et écrivain que Félix fut apprécié. Sa consécration de chanteur vient, en fait, de France.

Aujourd'hui, à 70 ans passés, il appartient à l'histoire. Mais il faut croire que les Québécois ne l'ont pas oublié puisque, là-bas, depuis plusieurs semaines, mon livre est second au classement des best-sellers."

Recueilli par Bertrand Le Brun 

L'Evénement du Jeudi

12 février 1987

Félix Leclerc, le roi heureux

Une belle rencontre entre le maître de la chanson québécoise et un chanteur français qu'on n'entend pas assez souvent… Bertin, qui fut d'abord journaliste, retrouve ici ses premières amours. Il a mené, dans la Belle Province, une enquête minutieuse et serrée autour de ce personnage de légende qui se fait secret et discret. Il a parlé avec ses amis, ses musiciens, ses enfants… c'est passionnant et vibrant d'amitié.

Y. P.