Le malin plaisir de Jacques Bertin (16 février 1995)


 
Botton en touche
 

 

Ah, ce procès Bottton commence bien: on en aura déjà appris de belles sur madame Liliane Sichler, notre consœur de l'Événement du jeudi. "Au procès Botton, nous serons tous dans le box des accusés" écrit-elle. Je tombe dans mon café au lait!

"Stop! On arrête de s'indigner en chuchotant. On arrête de jouer les dames catéchistes, les pères la Morale, ou les redresseurs de torts." Ce procès, "c'est notre procès à tous... Nous les citoyens lambda, fascinés des années 80... nous qui radotions chaque soir en chœur que les débats d'idées à l'heure du tout économique, Germaine, c'est de la foutaise archaïque! Nous qui éduquions les enfants à trouver un job à fric, parce que "mon pauvre ami, tu vas pas faire toutes ces études pour devenir un petit prof".

"C'est une sale potion avec laquelle la France entière s'est shootée pendant des années". Une certaine France... Une France, gageons, qui n'est pas tout-à-fait la vôtre; ni la mienne. Étions-nous bêtes! pères la morale et dames catéchistes, de n'avoir pas été fascinés par ces années 80, mais au contraire d'avoir subi ces Tapie, ces gagneurs, ces Botton, et voilà qu'il faut ajouter Liliane Sichler à la liste. Si elle a été complice par fascination, ça la regarde. Mais pourquoi dit-elle "Nous"? Marie-Chantal de la plume joue les affranchies et frissonne: Nous sommes tous pourris! Et j'étais ainsi, j'étais l'un d'eux, mais ne le savais pas; j'étais fasciné par le fric et éperdu d'ambition; et je n'avais qu'une idée en tête, c'était de me balader en avion du glam et d'y préparer mon émission de télé sur la gagne tout en fourguant des faux tableaux à un marchand d'armes afin de m'acheter ma villa à Marrakech, où que j'irais en hélico... Pas vous? Il y avait bien mon gosse, ce crétin glabre, qui préparait sa licence sur Saint-Just, souhaitant faire de sa vie quelquechose de bien, qu'il disait, mais sa mère et moi -Liliane, c'est pas une catéchiste!- on se moquait de lui. On a réussi à le décourager, il bricole dans la bourse, maintenant...

Et ce soir nous voilà dans ce box, Botton, Noir, Liliane, moi et vous, déjà presque absous par notre nombre."Parce que enfin! avouez-le, ces Cagliostros des années 80 avaient quelque chose de craquant, non?" Comme elle nous avoue joliment ses fantasmes, adorable Liliane.

Eh bien non. Moi, ce qui me faisait craquer alors, dans ma stupidité provinciale de "père la morale et de Français indigné, rapporteur et dénonciateur de la dernière heure", c'était la fascination des médias pour cette clique, et ce qui me fait craquer aujourd'hui, c'est l'ancienne fascination, mais toujours actuelle, de Liliane Sichler. "Ils gagnaient, gagnaient". Moi, j'essayais d'être un honnête homme, avec ma petite morale tenue à la main dans les côtes, comme un vélo sans dérailleur. Tandis que, voyez-la, Marie-Chantal, elle ne croit pas que ça puisse exister des gens comme ça.

Il nous ont ridiculisé, ils nous ont humilié pendant toutes ces années et ils viennent se dédouaner d'un "On est tous un peu responsable, non?" On efface tout, allez, on se condamne pour de rire, comment trouvez vous ce box? poutres apparentes, tout ça... Je sens bien qu'elle ne sait plus où elle en est. C'est, la "fascination", qui fait ça. Allez, une paire de gifles et tu pourras reprendre des chocolats. Ne sachant plus comment terminer son papier, la malheureuse crie "Au secours! Il va falloir réfléchir." Oui, c'est ça, réfléchis.

Jacques Bertin