Le malin plaisir de Jacques Bertin (24 août 2000)


 
Estivales

Les nouvelles de l'été? François Pinault, un des hommes les plus riches du monde, à ce qu'il paraît, se paye une équipe de football. Celle de Rennes, "sa ville natale".

C'est également ma ville natale. Et je me souviens du stade Rennais de mon enfance: Mahi, l'avant-centre, Pinat, le goal, Boutet, l'arrière, qu'était un petit gars de mon quartier. Impeccable. Beau garçon, bien élevé. Le peuple…

Pauvre François Pinault. Il veut faire du Stade rennais un grand club européen -comme ils disent. Il joue les Rockfeller rentrant au pays et lançant des pièces de vingt sous aux enfants de la rue. Des jeux pour le peuple… Tout ça avec mon enfance.

François Pinault, c'est un gars qui veut un train électrique qui le rende intelligent. Il décide donc de s'en faire construire un plus gros que les autres. Evidemment ce train électrique ne va pas sur mes rails à moi, qui n'ai que la largeur standard. Pauvre François Pinault qui voudrait tant être aimé! Et il rentre dans sa grande maison vide, avec des œilletons de gardiennage et des femmes de ménage partout qui disent: "Oui monsieur, oui monsieur, oui monsieur". Cette fois-ci, Pinault a une équipe de football plus grosse que les autres. La bourgeoisie est immuable: des cons.

On a appris que 45% des coureurs du Tour de France étaient dopés sur instruction médicale. "C'est une demi-vérité!" proteste un directeur sportif, qui ne se rend pas bien compte de ce qu'il dit.

Bon. Il faut donc désormais partager le peloton en deux par un trait: les 45 premiers sont en soins intensifs, les 55 autres suivent avec peine, en espérant tomber malades bientôt. Cette course est un immense sanatorium ambulant. T'es tubard, Gégé, allez, gonfle ton vélo: tu pars! Combien de cols, aujourd'hui? Sept: Tu verras, ça ira mieux ce soir. Et si tu ne guéris pas, au moins, tu verras du pays…

Le milieu (on voit de mieux en mieux le sens qu'il faut donner à ce mot) professionnel se plaint de la suspicion qui désormais atteint le sport cycliste. Oui, c'est rien de monter les cols, mais le poids de la suspicion, c'est très lourd. Et il n'y a pas de corticoïdes contre ça.

Chasse au pédophile, en Grande-Bretagne. Les photos des criminels dans les journaux, à la pelle. Lamentable. Attention: la chasse au pédophile selon la méthode anglaise pourrait bien servir, en avivant des instincts méchants, en les montrant en première page, en créant des incidents, par générer la lassitude du public. Et l'incompréhension des problèmes posés. Cela aurait pour effet pervers de désamorcer les propos des gens sérieux lors de prochaines affaires. Par exemple, il y a cette confusion entretenue entre pédophilie et traite des jeunes êtres humains, entre détournement et enlèvement, etc.

Je garde en mémoire ceci, en Belgique, chacun sait: 1) qu'il existe des réseaux organisés de traite d'êtres humains de tous âges -dont des bébés et des jeunes enfants-, et 2) que la justice et l'administration trichent manifestement, afin de protéger des personnes situées très haut dans l'Etat. Cela n'a que peu à voir avec les "pédophiles", qui sont habituellement des isolés. Les militants du Mouvement blanc, qui sont bien davantage "le peuple" que les propriétaires et patrons des journaux populaires anglais, ont su toujours garder une dignité et une exigence de respect du droit des gens qui les a préservés de l'accusation de populisme. Ils savent que les clowneries des journaux anglais ne peuvent que les desservir. Peut-être même que c'est fait pour ça...

Finissons par ce titre du Monde (11 août): La vache folle "pourrait faire en Grande-Bretagne entre 63 000 et 136 000 victimes. Ces prévisions pessimistes inquiètent les experts français." Oui ; et les gens donc!

Jacques Bertin