Le malin plaisir de Jacques Bertin


 
Sa Dame du Tesson

La scène est à Avoriaz. Daniel Toscan du Plantier, défenseur de l'exception culturelle, cause "off" à des journalistes; on se marre: "Et maintenant, avec le tremblement de terre qui touche Hollywood et la San Fernando Valley où se trouvent de nombreux studios, on sait que Dieu, qui se manifeste rarement, est au travail et il a choisi son camp, l'exception culturelle. Je préfèrerais qu'il épargne les vies mais Dieu est cruel, on le sait depuis longtemps."

Regardez bien, sur la photo : il y a une fille, dans le coin, qui note soigneusement en tirant la langue. Elle fonce au bureau de l'AFP et elle balance tout ça à Paris, quelle aubaine. Et, suivez toujours, il y a une autre andouille, à l'autre bout, qui répercute. Et il y en a encore une autre à Libé qui va te me se le payer le Toscan du planté. Et au Quotidien de Paris, il y a un Philippe Tesson qui prend la chose avec toute la gravité qu'elle requiert, sort son plus bel uniforme blanc à aigrette d'éditorialiste et plumise gravement: "Tout a un sens caché et ce qui échappe au conscient révèle toujours le subconscient". Tesson ne se doute pas que -paraphrasons-le- ce qu'il écrit dans son journal dit ce qui est dit et ce qui est con révèle la sombre connerie du scripteur. Et il titre, refusons-nous rien: "Saddam du Plantier", je vous jure! Vu que les irakiens -mais eux, sans rigoler- disent la même chose, sur ce tremblement de terre, en ce moment.

"On savait, on prévoyait à quels excès, à quels crimes contre l'esprit et contre le goût allaient être conduits les défenseurs professionnels de l'exception culturelle." Ho,Tesson, t'as bu? Ta femme t'a pourtant dit de toujours rentrer à la maison avant l'heure de l'édito! Ben quoi? qu'il répond mon Philippe, "Tout le monde n'a pas les moyens de décoder Toscan et il y a des boutades qui sont prises au premier degré". Je le vois bien, mon vieux, t'as du mal à décoder, toi hein? Eh bien arrête de décoder.

Quoi l'humour? hurle Tesson, ah, vous n'avez pas de notion de psychanalyse! On ne peut faire de tels mots sans que quelque part dans le subconscient, je suppute le béret basque, la francisque plantée dedans, et un turban par là dessus. Et votre moustache, Toscan! la moustache, c'est pas une preuve, ça? suivez mon regard vers l'Irak!

Demain on demandera à Toscan s'il faisait pipi au lit, étant gosse, et si c'est vrai qu'il a été violé par sa mère. Après demain, on le renvoie en Irak. Allez hop, signé Tesson, psychiatre.

Tout ça parce qu'il s'est opposé à ce que les Américains aient demain cent pour cent du marché mondial du film. Je rêve.

Bon, ce qui est vache, c'est qu'à cause de ces connards de journaleux, Toscan va être fâché avec ses amis, à Hollywood: le voilà au téléphone, tâchant, le pauvre malheureux, de leur expliquer que c'était pour rire! "Powr riyre?" éructe le sinistré accroché au combiné qui est tout ce qui lui reste de sa maison écroulée. Pardonnez moi de me marrer, Philippe, ça doit cacher ma profonde sympathie pour Saddam.

Toscan, à France Inter (je restitue à peu près): "Faudra-t-il donc que je me balade désormais avec mon porte-parole et mon avocat? Est-ce que les journalistes sont capables de distinguer au ton de ma voix? Ou faut-il que je ne profère des paroles qu'estampillées par un comité central?"

T'as beau faire, Toscan, les yankeemanes ont une jaunisse rentrée depuis l'affaire du Gatt et de l'exception culturelle. Faut prouver que tout ce qui défend la culture Française est franchement chouillard et "criminel contre l'esprit et le goût". Criminel de guère, vraiment! Mais Philippe Tesson veille. Ce sera dur, mais il le prouvera. Sa femme l'appelle pour manger la soupe, mais lui, il t'a à l'œil, chouillard subconscient. Et tu finiras par montrer ta vraie nature!

Bon, sérieusement, maintenant: cesse de décoder, Philippe, tu peux pas comprendre. Rentre à la maison.

Jacques Bertin