n° 174
juillet 2013

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Vive le bon sens !

 

Une scène de la vie quotidienne. Au volant de ma petite auto, je tourne dans la rue Poincaré - un angle droit, serré - et tombe nez à nez avec un cycliste roulant en sens interdit qui, de ce fait, échappe de très peu à l’écrabouillement. Ouf. Je vais mettre du temps à m’en remettre... Lui, non, ça va. Après un écart théâtral et un regard provocant au connard d’automobiliste, il s’échappe sur le trottoir d’en face. C’était un adulte. Je pense qui si j’avais fait ça, à douze ans, jadis, mon père m’aurait mis en pension ou chez les Enfants de troupe...

Mais quelle importance ? Si j’en crois mes yeux, l’entente non-dite deux-roues / pouvoirs-publics nous a fait récemment pénétrer dans un nouveau système où le n’importe-quoi est devenu la meilleure protection du faible (plus c’est dangereux et plus les autos devront rouler lentement – si je comprends le message) et l’on voit les cyclistes, les patineurs à roulettes et les planchistes défier le bon sens comme la cavalerie à Reischoffen ! Bien sûr, un jour, on fera les comptes des bassins fracturés, des vieilles dames décédées devant leur porte, des grands dadais au nez cassé et des néo-patineurs du ciel éternel...

(...Ne parlons pas des motards. Ils bénéficient, eux aussi, d’une immunité de principe qui leur permet de me doubler à 100 km/h, quand moi, sous les injonctions des radars, des panneaux, des panneaux, des panneaux, des gendarmes, des journaux, des panneaux, je balbutie à 56 - et heureux de n’avoir pas encore été pendu à un arbre du paysage.)

Au Québec, tenez, la police montréalaise vient de commencer à réprimer les cyclistes. Les journaux en parlent beaucoup. Je dis bien commencer. Aussitôt, comme on pouvait s’y attendre, les organisations spécialisées protestent ! Ben tiens. La police répond : tant mieux, ça fait de la publicité à la répression, donc ça incitera peut-être les gens à respecter les règlements (qui sont faits pour leur sécurité, sauf erreur...).


Restons au Québec. Une affaire de soccer (ce que nous appelons le football). La fédération québécoise interdit le port du turban sur les stades. Mais la fédération canadienne suspend la québécoise ! La FIFA (internationale) s’en mêle et condamne aussi la québécoise ! En gros, le message est : la laïcité cesse de s’appliquer lorsqu’un groupe religieux n’est pas d’accord pour l’appliquer. Belle trouvaille, grand progrès.

Voici donc, sensationnelle idée, l’uniforme variable !

Et la laïcité variable ! Je pourrai demain concourir avec mon chapeau de paille surmonté d’une plume d’oiseau. Oui : je viens juste d’inventer une religion dont c’est l’insigne ! Comment ça, je suis seul ? Juge-t-on une religion au nombre de ses adeptes ? Bienvenue aux Femen à poil pour lutter contre je ne sais plus quoi, et au portrait du Sacré-coeur cousu dans le dos. Et, bien sûr, à la pub pour les bagnoles. Ca se fait déjà ? Oui, c’est vrai... Vive la bêtise !


Et, enfin, vive la Belgique ! Oui, mais sérieusement, parce que quelques hurluberlus comme on les aime ont organisé, à l’occasion de la Fête de la Musique, des Etats Généreux de la chanson et des musiques actuelles de Wallonie et de Bruxelles, pour poser cette question : La Belgique francophone, une colonie culturelle ? Sachez-le, la Belgique francophone importe 95% de ses musiques, ses livres et ses films ! Comment développer un marché intérieur et valoriser les musiciens de la Fédération Wallonie-Bruxelles, face aux industries françaises et anglo-saxonnes ? Ce dimanche, ils étaient plusieurs centaines à réfléchir tout haut. Nouveauté : on appelait à se réunir toutes les tribus de la musique : chanson, jazz, rock, trad, rap etc. et toutes les professions : artistes, techniciens du spectacle, animateurs de salle, journalistes spécialisés, administrations culturelles, syndicats etc. (On peut trouver des informations sur le site facir.be). J’ai soudain l’impression d’avoir vingt ans ! Vive la jeunesse ! 


 

Jacques Bertin