n° 177
novembre 2013

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You have the good morning of all friends !

 

Je voulais, pardonnez-moi, ami lecteur, vous parler du chaubize, autrement nommé pudiquement industries culturelles. Nous avons appris ces jours-ci qu’il s’était organisé en “ lobby ” national, au niveau le plus élevé (Sacem + radios + livre + producteurs etc.). Et qu’il était énormément créateur d’emploi. La manipulation chaubizistique a donc désormais une justification tricolore (là, personne ne parle de nationalisme, va savoir pourquoi ; tandis que ma défense de la langue, elle, a des relents populistes...). Et le citoyen de bonne foi devra désormais déduire que s’opposer au capitalisme dans la culture (l’abrutissement, la conformité obligatoire...), c’est attaquer la culture française... La massification des comportements culturels est donc un idéal national : va te faire foutre, Verlaine, t’es un ringard.

Sur ce thème, je me préparais à déployer aujourd’hui tout mon art du sarcasme... Mais, soudain, il y a eu plus grave...

Plus grave. Ce type, là, immobile depuis des semaines au coin de ma rue, avec un calepin... Les chiens pissent sur son pantalon... J’ai enfin compris que c’est moi qu’il observe. Son nom est Tom, c’est un espion des USA (United spies of America). Pauvre Tom. Pauvre con. Les Américains, quand ils font quelque chose, ils le font bien et à fond. Là, ils ont décidé d’être cons. Ils y arrivent à la perfection.

...Vous avez compris, cher lecteur, à quoi je fais allusion. Vous aussi, vous venez d’apprendre que les messages d’amour un peu osés que vous envoyez à Ginette sont décryptés systématiquement à l’autre bout du monde par des régiments d’imbéciles à casquette plate, au nom de la défense de l’Occident...

Une chose est d’avoir un dossier aux RG (j’en ai un depuis 50 ans, plein d’âneries, de racontars et de toiles d’araignées, grand bien leur fasse !), une autre est d’être surveillé à la seconde par des crétins internationaux. Et la question qui se pose à nous, désormais est : que faire ? (Les protestations officielles ne serviront évidemment à rien.)

Je ne vois qu’une solution : affoler le système et ainsi leur faire perdre du temps, donc de l’argent, en leur balançant des énigmes, des fausses alertes par millions, faire saturer leurs systèmes, leur coûter trop cher. Donc :

Dans nos messages, placer systématiquement des mots choisis pour déclencher des alertes : alquédat, bombe, Allah prochaine ! Allah revoyûr ! Viens, mon amour, je vais te faire sauter l’ambassade ! Et caetera. Placer des noms d’Américains choisis dans la liste des hyper-riches en glissant à côté des mots comme ceux déjà cités (Rockefeller, islam, et où je pense...)

Parler l’américain, mais mal : “ I have desse problemoss with maille bombe, quat is que tan panss ? ” Et les voilà courant dans les fils comme des souris dans mon grenier : “ Qu’est-ce que ça signifie, mon colonel, vite ! ”

Parler mal le français : “ On les englerde, ces empulés ! ” Et voilà les empulés pompulsant de façon ponvulsive les vieux dicos, dans des éditions de 1927 ; et se perdant dans des conjectures auprès desquelles la conjoncture est une plaine tranquille...

Ou en termes locaux : “ Peuchère, les amères loques, je leur fait péter la canebiaère ! Saïntemaïre ! ” Ou en argot : “ Ces enfoirés, ils nous courent sur le haricot ! Je leur pisse à la raie ! ” Vous imaginez l’affolement chez les gravos !

Ou des énigmes insolubles : alkéda-Veuve-Cliquot ! Ou : il pleut comme watching-piss !

– ‘Do not comprendos, my général...

Ou encore : - Il paraît que le général Eisenhower faisait pipi au lit très tard... (Là, les signaux remontent jusqu’à la Maison blanche.)

Ou aussi (en inventant des termes technomédicaux compliqués) : “ J’ai découvert que leur système central est polyablationnel ultrasif ; on les tient ! ” (- Bob, tu prends dix de tes gars, les meilleurs, et vous me décrypter ça. Pour la réunion de ce soir !)

Tout ceci, en augmentant les coûts de l’espionnage, pourrait avoir un effet. Autre piste : ne plus acheter leurs produits, bien sûr, c’est la base ! Mieux encore : reporter à plus tard votre prochain voyage aux USA. Mon cher Tom, tant que tu feras le pied de grue devant ma taule, ne compte plus sur mézigue (non ce n’est pas un Arabe). Vu ? Allah tienne ! (Là, ne cherche pas à comprendre – pour toi, c’est de l’hébreux...)

Et puis, allons, Tom, une autre énigme pour Bob : - This guy has traited me “ connaw d’enfoirey ” ! Do you savoiw si étant gwève, my dire ?

Moi, j’en sais nixte...

Et, attention, le fait qu’il y ait des gros cons de Français qui se croient autorisés à agir de même dans nos caves ne change rien à ma colère. Je leur pète la gueule, tu vois ce que je veux dire, colonel de mes deux ?

Tu es un pauvre con, Tom. Et je mets dans ces mots la même mauvaise foi grossière qui t’autorise à m’observer. C’est désagréable, oui...

...Ce sujet est-il prioritaire dans une publication consacrée aux politiques culturelles ? Non. Mais à la sensation que des Martiens nous surveillent en permanence au nom des droits de l’homme, il n’y a qu’une réaction : la paire de baffes (claques, mornifles, pains, torgnoles).
 

Jacques Bertin