n° 181
mars 2014

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les lendemains qui toussent


Une déclaration d’Olivier Py, directeur du festival d’Avignon, dans les journaux du 26 mars : en cas de victoire du FN à Avignon, il faudrait délocaliser le festival...

On avait eu une réaction semblable lorsque Toulon était passé à l’extrême-droite, en 1995. Gérard Paquet, le directeur du centre culturel de Châteauvallon avait alors proclamé qu’il refuserait dorénavant les subventions venant de Toulon. Cette position avait été mal reçue par certains militants locaux : ce n’est pas l’argent du maire, disaient-ils, c’est l’argent des citoyens ! D’autres, dans d’autres villes du midi prises par l’extrême-droite, avaient affirmé que c’était justement pour que la politique culturelle n’aille pas dans un mauvais sens qu’il fallait continuer à être présent et se battre. C’était d’un grand bon sens.

Alors, Py, s’ils gagnaient les élections générales ? Imagine un gouvernement dirigé par le FN ? On arrête tout ? On part aux Seychelles, se réfugier dans la pureté ? Allons, allons, je suis sûr que tu as déjà travaillé avec des staliniens, des maos et des trots (autrement dangereux pour la démocratie, eux) ! Et tu as survécu...


Elections municipales. Verdict des médias : une défaite du gouvernement, un rejet du PS... Vraiment ? On ne m’enlèvera pas de l’idée que c’est une défaite culturelle. J’y vois le désaveu par le peuple de la classe parlante supérieure. Et plutôt qu’une “ montée des extrêmes ”, c’est un effondrement central. Tout tient dans une phrase : le mépris envers le peuple exprimé depuis une génération par les élites intellectuelles, médiatiques et culturelles française a produit ce résultat.

La parole politique dominante ? Ca dure depuis plusieurs décennies. Problèmes liés à l’immigration : dénégation, hurlements ; problèmes liés aux Roms : dénégation, hurlements. Vous savez bien : il n’y a pas de problèmes, il n’y a que du populisme, de la francitude, de la moisitude, de la peur, du renfermement sur soi, de la haine de l’autre...

Voici l’intelligentsia : qui court dans tous les sens comme une bande de souris, qui ne cherche plus à faire croire qu’elle veut “ faire société ”, mais où chacun cherche son heure de gloire, son succès. Qui n’a d’autre lutte que celle contre l’extrême-droite – un alibi. Légèreté, impudence, irresponsabilité, addiction aux modes, adhésion au discours dominant...

Je lis quelque part : “ un peuple qui ne croit plus en lui ”. Non ! C’est le haut du panier qui ne croit plus ni dans le panier ni dans ses profondeurs. Je ne parle pas ici des cultureux de base : eux, le peuple, ils y sont, ils en sont ; je parle de ceux de la parole centrale. Il est temps que la base reprenne le dessus, si j’ose dire. Retrouvez la parole ! Feu sur le haut du pavé !

Donc, vous, les cultureux : cessez donc de vous battre contre l’extrême-droite ; battez-vous pour l’éducation et l’élévation du peuple. Et recommencez à l’écouter. Non, non, il ne mord pas !


Un peu de gaieté, maintenant. Crise historique, que celle des particules fines ! On savait déjà manger des couleuvres, avaler des kilomètres, cracher ses poumons, râcler les fonds de tiroir... Mais cesser de respirer une fois sur deux, non !

Ah, on comprend mieux pourquoi Depardieux s’est tiré ! A Sanatoriol, en Crimée, si j’ai bien compris.

Il faut maintenant imaginer la prochaine crise de particules et le gouvernement quittant Paris afin de préparer la résistance et se réfugiant à... Tours ? Bordeaux ? Vichy ? Londres ? Impossible : villes trop polluées ! Donc, ils iront plus simplement à Blafougnes-sur-Guerlompe (Haut-Tarn), où l’air, dit-on, est encore respirable... C’était ça ou recevoir l’ambassadeur de Russie en se roulant sur les moquettes ! Bien sûr, on a pensé à Saint-Pierre-et-Miquelon, île française où l’air est bon. Mais on a craint que le Canada y voie notre éternel désir ancestral de reprendre le Québec. Un petit malin a proposé le département de la Loire ; avec la réécriture de l’hymne national : “ Allons enfants de la patrie, le jour de gloire est à Rive-de-Gier... ”. Non. Vous imaginez la suite : “ Aux asthmes, citoyens ! Crachons ! Crachons ! et caetera. ”

Bon, mais du moment que l’économie n’est pas malade, elle, on peut crever. C’est ce qu’on fait. (Attention : ne pas souffler sur vos verres de lunettes pour les nettoyer, de crainte de les rayer. De toutes façons, il n’y a rien à voir. Circulez) (mais pas trop). Si vous crachez vos poumons, vous devez obligatoirement le faire dans les sacs bio disposés à cet effet sur les trottoirs. 



 

Jacques Bertin