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JACQUES BERTIN, l'album La Jeune Fille Blonde
Attention, ce n’est pas ce qu’il dit du tout ! Cela n’a jamais été, en plus de trente années de carrière, son propos... Son discours, à BERTIN, c’est la tristesse racontée avec une poésie riche, dense, raconteuse d’histoires souvent nostalgiques (La grande crue de 2001), celles de l’enfance et de la vie d’adulte, de la perte irrémédiable d’un amour. BERTIN, c’est la lucidité sans complaisance aucune (Le bonheur des autres), c’est la vérité et l’intégrité sans concession sur une musique qui se contente de l’essentiel. C’est tout cela et beaucoup encore qu’on découvre en écoutant La Jeune Fille Blonde. Seulement, il faut en prendre le temps, l’écouter avec toute l’attention et la disponibilité que nécessite une œuvre d’envergure qui se situe au-delà des modes et du temps. Bertin, c’est la conscience du monde en majuscule…
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Gilles Chaumel |
Chorus
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La jeune fille blonde
Bien qu'il s'inscrive dans une cohérence d'inspiration à laquelle Jacques Bertin nous a depuis longtemps habitués, ce nouveau disque (arrangé avec délicatesse par Laurent Desmurs : accordéon, claviers, percus et flûte) surprend à la première écoute. Non pour ce que disent les chansons où se déclinent la plupart des thèmes récurrents de l'univers poétique du chanteur, mais par le traitement assez inhabituel de la voix. Bertin est, en effet, un chanteur capable de belles envolées lyriques, doté d'une voix souple et chaude, bien timbrée dans les graves mais pouvant escalader les degrés de la portée sans effort apparent. Or, ici, à plusieurs reprises ("La bonté", "La cheminée", "Prose des jours longs" ou "Chanson du retour"), il choisit d'adopter un timbre si grave, si profond, qu'on pourrait le dire crépusculaire. Expression d'un choix esthétique délibéré et non reflet de cette usure inévitable qui, avec le temps, frappe souvent les chanteurs vers les sommets de leur registre ; car, l'instant d'après, parfois dans une même chanson ("La grande crue de 2001"), il retrouve sans peine la fluidité de ses aigus ("Les tonnelles", "J'ai cherché le secret des roses"). Comme toujours chez lui, il y a dans ce disque une tristesse magnifique. Une mélancolie venue de loin ("J'étais l'enfant qui courait moins vite/ J'étais l'enfant qui se croyait moins beau") et dont rien n'a jamais pu le guérir ("Le mal du monde est mon tourment"), pas même le fait d'écrire et de chanter ("Je chante, arme des fous, arme des saints"). Sous la douloureuse lucidité du poète ("Ma vie ne fut que cet échec du rêve"), se lisent d'incurables blessures : "Bien des gens que j'aimais se sont perdus". Sans doute le prix à payer pour ne jamais renoncer à être "L'homme qui campe à l'écart de l'époque/ Tisonnant ses doutes pour s'y chauffer"… Un grand, très grand Bertin ; ce qui n'est jamais peu dire. |
Politis "Le bloc-notes de Bernard Langlois"
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La jeune fille blonde
La jeune fille blonde : se remet-on jamais de son enfance ? Pour Bertin, à l'évidence, non. Le dernier disque de notre vieil ami est un pur chef-d'oeuvre. Il vous faut l'écouter dans le silence, le recueillement, et l'écouter encore. C'est comme un phare, un fanal qui brûle au loin, dans l'océan de médiocrité de la chanson française. Qui dit la fidélité aux êtres et aux choses, à la vie, aux amours ratées, à l'honneur d'être un homme debout... Comme on sait, Jacques Bertin a quitté ce journal, où il fut longtemps un chroniqueur apprécié. C'est que l'intransigeance du bonhomme n'est pas toujours facile à vivre ! Pour un papier un peu limite, que nous n'avons pas voulu passer [Vous pouvez le lire, parmi bien d'autres, sur son site], il a claqué la porte. Ça n'enlève rien au respect qu'on lui porte, ni à notre vieille amitié. Ni, surtout, à l'admiration que nous avons toujours eue pour son oeuvre poétique qui le range parmi les grands.
Bernard Langlois |
Une autre chanson
| La jeune
fille blonde
Loin de la grisaille mondialiste et de la chanson formatée, Jacques Bertin s'obstine à construire une œuvre où chanson et poésie se rejoignent et se fondent en un chant qui se déploie en dehors des modes et paraît de nature à défier le temps. Ce que confirment ce nouvel album "Velen" et seize chansons toutes de haute volée. Ainsi cette Prose des jours longs (une "prose" éminemment poétique) :
Ou
Ou encore J'ai cherché le secret des roses :
Vaincu, Bertin ? Certainement pas puisque cette lucidité désabusée nous vaut un chant d'une belle tenue aristocratique.
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Politis |
"La jeune Fille blonde" de Jacques Bertin : des confidences émouvantes, une langue superbe.
Il y a des enfances que sa voix chaude a bercées, qui sont désormais des vies d'adultes. Parlant du cœur d'une génération qui a connu les années 1960, les chansons de Jacques Bertin trament un compagnonnage, au fil d'une autobiographie chantée. C'est la confession d'un enfant du XXème siècle qui nous prend à témoin des heurts de la vie. Des heurts qui ont bosselé la tendresse attachante et le fier aveuglement. Ami à l'humeur parfois distante, parfois épanchée, mais fidèle au rendez-vous de son humanité. Les retrouvailles du dernier album, la Jeune Fille blonde, sont ses mémoires d'outre-défaites, seize titres d'une grande élégance. "Ma vie ne fut que cet échec du rêve/ Je ne brûle plus, non : ce sont mes liens/ les sabots des armées m'ont piétiné sans trêve." Un souffle entre raideur et affection, pas une phrase qui ne soit banale, véritable leçon de solitude ! On l'avait quitté, Cyrano d'amour, pour une brune Merveille, qu'il ne parvint jamais à nous faire estimer, nous parlant plus de ses tourments que d'elle. Le vrai sujet était ailleurs. Nous partagions une blessure qui a "touché l'os", la quête du rejeton lyrique d'une génération où le Moi avait peut-être un peu trop de place. Mais l'attente est devenue identité. Zangra de l'amour, l'homme Bertin a veillé un désert des Tartares d'où ne sont venus ni les renforts ni l'ennemi. Bien plus qu'un romantique décalé, il s'est découvert dans cet ermitage : "Je suis l'homme des cours du soir, du long halètement des lampes…", ouvrant un dialogue intime et inspiré avec lui-même, comme dans le merveilleux chant "Quand recevrons-nous des renforts, mon âme ?". Il y règne sur son silence intérieur, loin du temps de la jeunesse où il s'endormait glorieusement solitaire. L'énergie vaguement inquiétante d'alors a fait place nette. Jacques ne rattrape plus Claire dans l'escalier, Bertin attend désormais que la porte s'ouvre. Il ne hante plus les gares et les "Hôtels du grand retour", guetteur infatigable, il est "monté au lac des solitudes". Nostalgie persistante pour la simplicité d'une France historique, entre mairie et clocher. Ici couve, sous les derniers feux ruraux, la réserve d'un imaginaire ancestral, tracé comme un sillon dans la mémoire, mais déjà travaillé secrètement d'autres rêves hollywoodiens que notre héros n'atteint pas. Cassé, comme une noix à la veillée, il révèle un cœur "âme avec des voiles" qui a résisté à l'hiver, s'en est même nourri. Sous l'amoureux aux illusions datées, apparaît alors une tendresse plus durable. Sous l'ambition, l'humanité. Sous une carrière contrariée, émerge une lyrique singulière, détachement sensible de celui qui, même à son corps défendant, a fini par se préférer. La confidence a remplacé la déclamation ; là où il s'exposait, il devient inquiet de transmettre. On le fredonnait, on peut simplement le lire. Sous le chanteur, le poète.
David Langlois-Mallet |
Rétro-Viseur |
"Nos âmes furent de neige/ Et ta tête aux chants d'oiseaux."
Retour à Chalonnes, Jacques Bertin, qui
tenait à mettre des distances entre le parisianisme et lui, renoue avec
cette inspiration ligérienne qui fut et restera son indélébile
marque de fabrique, dans le voisinage fraternel de Rochefort.
Jean-Pierre NICOL |
| Lire aussi Tour intérieur (un article publié dans Voir - Québec, 11 décembre 2003, à l'occasion de la tournée au Québec).
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