Le malin plaisir de Jacques Bertin (30 août 2001)


 
Breizh brûlantes
 

 

Tous ces justiciers tardifs qui s'attaquent au passé pour y mettre bon ordre, toutes ces repentances… Ca me navre. Lorsque j'entends, par exemple, que la Collaboration n'aurait pas été jugée et que cette époque serait occultée, je suis scandalisé. Bon. Mais pour autant, il ne faudrait pas que certains en profitent pour réécrire l'histoire. Parlons de la Bretagne.

En 1931, les nationalistes bretons, déjà ultraminoritaires, se divisèrent en deux et le courant démocrate et fédéraliste représenté par le musicologue Maurice Duhamel (1) et soutenu par Marcel Cachin -le leader communiste était aussi un breton bretonnant- fut éclipsé par les durs du PNB. Des fascistes, ceux-là. Ils croyaient aux races pures, rejetaient la lutte des classes, détestaient la démocratie, revendiquaient la violence comme moyen d'action et, bien sûr, pratiquaient la haine de principe du juif; mais le "latinisme" était leur "grand ennemi" (vu qu'il avait sapé la société celtique). Ils désiraient ardemment la défaite de la France et crurent pendant deux mois de 1940 qu'on leur donnerait un Etat breton. Ils collaborèrent avec enthousiasme puis, faute de mieux, devinrent pétainistes. A la fin, les crimes du groupe armé Bezen Perrot finirent de les déshonorer (2). Ainsi sont-ils responsables de l'effondrement de l'idée bretonne pendant un demi-siècle.

Aujourd'hui, les libéraux, à l'affût de tout ce qui peut abaisser l'Etat, ont découvert que les ethnismes pouvaient y aider. Voilà le mouvement breton devenu l'objet des prévenances des édiles, services d'Etat (DRAC) compris. La façon dont l'Institut culturel de Bretagne distribue l'argent autorise la question suivante: Comment dit-on mes potes en breton? Dans les livres officiels distribués dans les écoles, le mensonge sur les assassins est caractérisé. On organise colloques et hommages dans lesquels on réhabilite en douce. On oublie juste de dire pourquoi ces instituteurs à Plénée-Jugon sont devenus directement responsables des phares et balises à Dublin. Quoique jugés dans les formes après la guerre, ils auraient été condamnés "pour leurs idées". Ainsi, Roparz Hemon, qui fut le directeur de Radio-Bretagne payé par la Propaganda Staffel… L'association Diwan a donné son nom à un collège. Comment dit-on déconsidéré en breton?

Ces gens étaient des ordures. Leurs propos, récemment publiés (3), sont terrifiants. Et ne me dites pas qu'ils s'étaient "fourvoyés". On se fourvoie quand on entre aux Radicaux de gauche! Eux écrivaient des horreurs montant du profond de leurs tripes! Et donc, il faut interpeller solennellement la distraction actuelle des politiciens: comment dit-on sombres crétins en breton?

Bon. En face, on pourrait être plus subtil. Pour condamner les auteurs d'une bande dessinée historique qu'on trouve scandaleuse, on argue que l'auteur avait produit précédemment une thèse de doctorat "contestable" sur la guerre de Vendée. Ce genre d'argument à la Suivez-mon-regard est nul. La République a voulu, organisé et exécuté le massacre massif de la population vendéenne, en 1793, c'est archi-vrai. Et c'est un fervent républicain qui vous le dit.

(1) Histoire du peuple breton, Maurice Duhamel 1939, réé. An Here 2000, 219 p.
(2) Les Nationalistes bretons sous l'occupation, Kristian Hamon, éd. An Here, 272 p.
(3) L'Hermine et la croix gammée (le mouvement breton et la collaboration), Georges Cadiou, Mango, 262 p., 120F.

Jacques Bertin