Sur la Boîte à musique…
et avec Robert Desnos

 

par Jacques Bertin

Sur la Boîte à musique…
et avec Robert Desnos


Après guerre, la Boîte à musique fut une marque phonographique (dirigée par Albert et Odile Lévi-Alvarès), installée au 133 boulevard Raspail, à Paris, dans un magasin et son sous-sol. Les productions de la Boîte à musique devinrent la BAM, puis les disques Alvarès, On y publiait de la musique du chambre et du folklore (un temps, les disques de l'Ocora). Mais aussi de la poésie et de la chanson : Jacques Douai, Hélène Martin, Jacques Marchais, Francesca Solleville, James Ollivier, Serge Kerval, et toute la collection de la Fine fleur de la chanson française, lancée par Luc Bérimont : Jean Vasca, Jean-Luc Juvin, Gilles Elbaz, Jacques Bertin… Elles cessèrent leurs activités à la fin des années 70.

La Boîte à musique existait depuis longtemps, comme magasin vendant des phonogrammes ! En témoigne l'article de journal suivant, signé Robert Desnos.

"La Boîte à musique, qui dresse sa façade de verre 133 boulevard Raspail, et la Plaque tournante, qui assume, 69 avenue Kléber, l'apparence d'un blockhauss du Far-west et celle d'un coffret de phono, sont, toutes deux, désireuses d'être autre chose que de simples comptoirs mercantiles.

La première de toutes, la Boîte à musique réalisa non pas la confusion des arts, mais leur réunion. Leur actif directeur l'adjoignit, en effet, à une galerie de tableaux qui comportait elle-même une librairie : l'écriture, la peinture et la musique se trouvaient ainsi conjuguées et c'est pour marquer cette ligne de conduite que la Galerie d'art contemporain expose en ce moment des tableaux consacrés à la musique tandis que du sous-sol montent les sons alternés du jazz et de l'opéra. Quand à la façade de la Boîte à musique, elle est une invitation à entrer, tant elle est claire, avenante et franche, invitation qui vaut la peine d'être acceptée. (…) Il fallait à la bousculade d'idées, de mœurs et de races de Montparnasse, la claire et ouverte boutique du boulevard Raspail." Le Merle, 24 mai 1929.

Du même Desnos, nous nous plaisons à citer cet autre texte concernant la chanson en général :

"Je (ne) veux aujourd'hui insister (que) sur les mystères de la chanson. N'en fait pas qui veut, n'en chante pas qui croit seulement bien chanter.

Il y a plus de compréhension vraie chez une chanteuse de carrefour que chez les cantatrices à la mode. Gardez-nous de ces chanteurs à "belle" (sic) voix dont on se demande s'ils parlent volapuk ou patagon ! Une chanson est faite pour ses paroles et ténors ou contre-alto de nos opéras n'ont jamais été que des artistes, avec tout le sens péjoratif attaché à ce titre…

Même si on ne comprend pas la langue du chanteur, on ne sera ému que dans la mesure où sa diction sera claire et émouvante. (…)" Le Soir, 5 août 1928

Ces deux textes sont tirés du livre Les Voix intérieures, chansons et textes critiques de Robert Desnos, réunis et préfacés par L. Cantaloube-Ferrieu, éditions du Petit Véhicule, Nantes 1987. Robert Desnos aimait profondément la chanson. Il écrivit lui-même des chansons - plutôt mauvaises, cet ouvrage en donne des exemples. Ce n'est pas ici volonté d'amoindrir sont talent de poète : il fut grand. Desnos voulut apparemment écrire des chansons "populaires", et ne sut pas mettre, semble-t-il, dans ses chansons, l'âme, l'intériorité qu'il mettait dans ses poèmes…

Jacques Bertin

Proposer un texte à la revue Les Orpailleurs