Quelques brèves …

 

par Jacques Bertin

Quelques brèves …


Témoignage - Extrait d'un message d'André Coupet à Jacques Bertin

« Tu te souviendras de ta venue à la MJC de Fleurbaix (Pas-de-Calais) en juillet 70? Début août, je reçois une lettre de Luc Bérimont, me disant : " Cher Monsieur... Mon ami Bertin ne cesse de me dire le plus grand bien de votre MJC...et je vous propose que la demi-finale de la Fine Fleur se tienne chez vous...." Et il me proposa de choisir la vedette de la deuxième partie. J'avais choisi Félix en 1, Anne Sylvestre en 2, et Gianni Esposito en 3. Ce fut Gianni, les agendas des deux premiers ne fonctionnant pas. Et c'est à cette occasion que Fleurbaix a découvert Gilles Elbaz, qui était en "vedette américaine " à cette demi-finale... »

(André Coupet, jeudi 10 mars 2011)


 

L'e muet

"Nous avons discuté la question une grande heure ensemble, Régnier et moi, hier, et nous avons décidé que l'e muet était la spéciale, la plus essentielle musique du vers français. On ne le supprime que par indélicatesse d'oreille."

(André Gide à Paul Valéry, 17 juin 1891) cité dans Le Coin de table, La revue de la poésie, juillet 2009.


 

Gérard Morel

" (…) Quand on me demande si je commence par les paroles ou par la musique, je réponds que je commence par la chanson. Ce qui m'intéresse, c'est l'endroit où les paroles et la musique se rencontrent. L'endroit où les paroles font de la musique et réciproquement. C'est pas pour rien que la rime reste très présente dans la chanson. Parce que la rime, c'est déjà de la musique. Pas que la rime, d'ailleurs, c'est aussi le cas des allitérations, des assonances, de pas mal de trucs… Ce qui m'amuse, me réjouit, c'est de trouver l'endroit, le moment où ce qu'on écrit ne peut être qu'une chanson. Moi, je ne me sens pas poète, même si l'un de ceux que j'écoute le plus, un de mes grands amis du métier, c'est Bruno Ruiz. Lui se définit comme poète et il est vraiment un poète. J'ai peut-être une certaine poésie en moi, dans ma façon de regarder différemment le monde. Mais j'aime bien l'idée que ce que j'écris ne puisse être qu'une chanson et rien d'autre, qu'elle ne supporte pas d'être déshabillée de sa musique. (…) "

Recueilli par Jacques Perciot, in Le Petit Format, lettre d'information des adhérents du Centre de la chanson - numéro 96, Juillet-août 2008


 

Jean Florin et le cimetière de la chanson…

Bien sûr, ce n'est pas une histoire de la chanson, mais l'auteur, Jean Florin, est un acharné de la chanson, un de plus, qui ramasse les "infos", les classe, les bichonne et… les publie, ici sous la forme d'un livre un peu étrange.
N'oublions pas qu'il n'existe aucun lieu, aucun Centre du patrimoine, aucun service public de recherche et de conservation sur l'histoire et la conservation du patrimoine chanté. Le passé, les archives, les souvenirs, l'histoire vraie, les documents, tout ça est promis à l'oubli. Sauf que des acharnés (voir plus haut) rôdent.
Faisons donc savoir que Jean Florin a collationné toute la liste des lieux où sont enterrés les chanteurs morts… et il nous donne ici cette impressionnante liste, accompagnée de nombreuses petites biographies, ainsi que des répertoires des artistes cités.

Ils ont chanté et puis après… (la chanson francophone de 1900 à toujours)



Les souliers de Félix

A propos… Les cimetières sont-ils tristes ? Pas toujours. Félix Leclerc est enterré à Saint-Pierre, dans l'Ile d'Orléans, près de Québec. Remarquons qu'une - déjà - tradition, née spontanément s'est imposée dans les jours qui suivirent sa mort - nous l'avons alors constaté. Et pas parce que les médias en ont parlé, non ! Et c'est cela qui lui donne sa valeur, son sens : elle a été créée par les visiteurs et n'a jamais été encouragée par quiconque, ni office du tourisme, ni médias ni association de "fans". Sur la tombe de Félix, les passants anonymes déposent des chaussures (des "souliers"…).

Le 8 août 2008, jour du vingtième anniversaire de la mort de Félix, vers cinq heures de l'après-midi, nous en avons compté pas loin d'une centaine. Merci, les gens !


 

Un domaine négligé, un objet d'étude sinistré

Il n'existe aucune filière " Chanson " à l'Université ; or, que je sache, il existe bien des cursus complets Cinéma, Théâtre… Les occasions de traiter des matériaux chanson se résument trop souvent à une sorte de sous-traitance par d'autres disciplines (lettres, linguistique, musicologie, sociologie, histoire…), alors que la chanson est, de loin, l'expression artistique la plus populaire et la plus prolifique - près de trois millions de titres recensés pour le seul domaine francophone au vingtième siècle ! - et qu'il s'agit d'un domaine culturel dans lequel les enjeux sociaux sont d'autant plus exacerbés. Nous sommes là face à un phénomène sociétal d'envergure qui revêt des dimensions économique, sociale et idéologique considérables, sur lesquelles nos connaissances sont plus que lacunaires.

En France aucune structure (institut spécialisé, laboratoire de recherche…) n'a pour mission de regrouper et coordonner des travaux de recherche sur les chansons, qui serait ouverte aux praticiens de toute sorte, professionnels ou amateurs entendus au sens large. Il n'existe pas davantage de centre documentaire ni de banque de données consultables ni même une bibliographie critique, ce qui pourrait d'ailleurs constituer un excellent et très apprécié thème de recherche.


Christian Marcadet
Les enjeux sociaux et esthétique des chansons dans les sociétés contemporaines,
thèse de doctorat en anthropologie sociale et ethnologie -
EHESS, Paris, déc 2000. P. 40-41.


 

Extrait d'un éditorial de la revue de la Bibliothèque nationale de France (n°16 - 2004) :

"La chanson est de ces phénomènes omniprésents mais souvent décriés ou, parfois, concédés, comme par excuse, parmi les faiblesses humaines aux côtés de la gourmandise ou des souvenirs d'enfance… Si les spécialistes sont rares qui se risquent à l'analyser, en revanche, tous ou presque s'autorisent à en parler et à en juger. Et puisqu'elle est ainsi associée à la subjectivité de chacun, elle est avant tout propos de nostalgie !"


 

Une citation

"(…) Je suis d'abord poète. C'est là que mon corps est le plus offert. Il y a toujours dans l'artiste ce geste sacrificiel. Je n'ai pas la prétention d'être un grand acteur. Je ne suis pas un écrivain non plus. Je suis un chanteur. Qui n'a pas chanté ne sait pas ce que c'est que le chant. On est alors, par je ne sais quelle force spirituelle, en accord avec la totalité du monde pour un instant. C'est le lyrisme qui m'anime. Je vois là la preuve vivante, charnelle, que nous pouvons être au monde. C'est la réponse à la question d'Hamlet. Quand on dit : "Je suis", c'est là que le chant commence."

(Olivier Py, directeur du Théâtre de l'Odéon - in Cahiers de la Maison Jean Vilar, Avignon, n°103, octobre 2007).

Certes Olivier Py joue sur les mots (Car un poète c'est quelqu'un qui écrit de la poésie… Et le lyrisme n'est pas seulement une attitude dans la vie…) On ne sait pas s'il lui arrive de chanter pour de vrai, et ainsi, trouver le lyrisme, mais il parle très bien de l'acte de chanter.

 


 

Tu te lèveras tôt

Des Québécois sourient en disant que cette chanson est l'hymne des râteaux ("Tu te lèves, râteau !")

Mais c'est aussi, c'est surtout, écrite par Félix en 1958, une des premières chansons de fierté du pays :
Tu te lèveras tôt / Tu mettras ton capot / Et tu iras dehors… Puis : C'est à toi tout cela. / C'est ton pays…

Et : Tu diras à ta mère / Que l'horizon est clair / Et elle sera fière / D'être de ce pays-là…

Question ouverte : Etait-ce la première ?



De Maurice Druon sur la Complainte du partisan

En juin 1990, Jacques Bertin faisant le journaliste rencontre Maurice Druon à l'aéroport de Londres, tous deux retour de l'anniversaire de l'appel du 18 juin 1940 (JB comme journaliste, Druon comme résistant). On bavarde quelques instants. On parle du Chant des Partisans, dont Druon est l'un des coauteurs ; puis d'Anna Marly, qui en a écrit la musique ; puis de La Complainte du Partisan, signée de la même et d'Emmanuel d'Astier.

Druon : - J'ai écrit un des couplets…

JB : - Ah bon ? Lequel ?

Druon : - Le dernier : "Le vent souffle sur les tombes / La liberté reviendra / On nous oubliera / Nous rentrerons dans l'ombre."

JB (in petto) : - C'est le plus beau…

… Or il faut ici ajouter à ce scoop que quelques mois plus tard, Anna Marly laissa entendre que c'était là une galéjade. Et que Druon ne manquait jamais une occasion de se mettre en valeur…

 


 

Sur Canetti

Délicieux… De Juliette Gréco : "(Un jour), j'ai giflé Jacques Canetti, aller et retour. Trop malhonnête. Tout héros a une face cachée. Eddie Barclay, lui, était musicien, il avait une certaine grâce." (Le Monde, 19 août 2005)

 


 

Cerisier rose et pommier blanc…

J'aime beaucoup ces deux vers de chanson :

" quand nous jouions à la marelle
cerisier rose et pommier blanc "

La question est de savoir combien il y a de cerisier(s), et de rosier(s)…

Comme je ne connais pas de version écrite du texte - et je préfère ne pas … -, j'imagine qu'il n'y a - en bon français - qu'un cerisier et un rosier ! Sinon, le " s " à la fin du mot "rose", nous obligerait à ajouter un pied au vers : et ce pied de trop rendrait le vers boiteux.

Or le singulier nous renvoie à deux personnages, les deux qui jouent à la marelle, et indique qu'ils compagnonnent, tels un cerisier (rose) et un pommier (blanc).

Eh bien cela me dérange. Car je préférerais que le second vers indique… une atmosphère, le temps des cerisiers roses et des pommiers blancs, qui charment les printemps et représentent le temps de l'enfance, celui des cerisiers roses et des pommiers blancs, celui des vergers en fleurs…

Il faudrait donc entendre : cerisiers ros' et pommiers blancs. Et qu'on ne précise pas, dans un texte écrit, ce qui n'a pas à être précisé. Eloignez-vous, universitaires plumitifs ! .


Jacques Bertin

Proposer un texte à la revue Les Orpailleurs