Louki, Vinci, Bertin, Vasca… Coup de batée dans l'histoire de la chanson

 

par Jacques Bertin

Louki, Vinci, Bertin, Vasca…
Coup de batée dans l'histoire de la chanson
(par Jacques Bertin)

 

Les orpailleurs sont au travail ! Avant tout, faisons-nous plaisir - et à l’amitié - en signalant la publication récente de Brassens, le regard de Gibraltar (Fayard-Chorus) de Jacques Vassal. Le sérieux dans le travail est comme une marque de fabrique pour Vassal.

 

Le libre parcours d'Eve GriliquezEt faisons-nous plaisir, et à l’amitié, en signalant aussi aux amateurs les souvenirs d’une personnalité à la gloire plus discrète que Brassens mais depuis longtemps bien connue du métier : Eve Griliquez, surnommée par chacun Gri-gri depuis qu’elle était diseuse de poèmes et productrice de l’émission de radio Libre parcours (Le Libre Parcours d’Eve Griliquez (éditions du Layeur, 2005, par Frank Tenaille).

 

Par dessus tout, les orpailleurs se feront une obligation de se procurer Le cabaret « rive gauche » (de la Rose rouge au Bateau ivre – 1946-1974), de Gilles Schlesser (675 p., l’Archipel éditeur). Enfin un ouvrage qui ne se contente pas d’anecdotes sur des vedettes et de photos de voitures d’époque ! Il est exhaustif. Le plus exhaustif possible (comment l’être absolument ?) Ces listes de cabarets et d’artistes, en tout cas, sont longues et fournies ! C’est le bouquin de référence sur le sujet ; qu’on se le dise !

 

Cette plongée dans la bibliographie nous permettra de parler ici de deux autres publications récentes qui, elles aussi, intéresseront les amateurs d’histoire de la chanson. Ce sont l’émouvante autobiographie de Pierre Louki, décédé en décembre 2006 (Quelques confidences, Christian Pirot éditeur); et la biographie de Claude Vinci (Vinci soit-il, par Marie-Joëlle Rupp, Le Temps des cerises). Ces deux livres sont indispensables aux historiens de demain.

 

VinciCe n’est pas contrevenir aux règles de l’amitié que de signaler, dans Vinci soit-il, concernant Jacques Bertin, deux phrases qui imposent deux correctifs.

 

A la page 111, Marie-Joëlle Rupp écrit : « Ce qu’aime Vinci, dans le syndicalisme, c’est de pouvoir travailler côte à côte avec les copains, et notamment avec Jacques Bertin, le premier affilié au Parti communiste, le second au Parti socialiste. » Jacques Bertin précise que son appartenance au Parti socialiste n’aura duré que ce que vivent les roses, en 1974 le temps de prendre une carte, et, un an plus tard, de ne pas la reprendre, préférant, le travail plus sérieux du syndicat (le « syndicat des artistes », ainsi qu’on disait : le SFA-CGT).

 

Et à la page 134, il faut relever une petite erreur dans l’évocation de mai 68. « A Bobino se tiennent les états généraux de la chanson. (…) Les responsables pour le SFA sont Jean Vasca et Jacques Bertin »

 

Trouble de mémoire de Claude Vinci ? Jacques Bertin ne parut jamais aux états généraux de la chanson, à Bobino, en 1968. Il n’était d’ailleurs pas syndiqué à ce moment-là. Chanteur depuis 1967 seulement, il vasouillait encore dans ses vingt ans. Consulté (janvier 2007) Jean Vasca répond : « Je n’étais pas responsable, moi non plus. Je n’étais pas encore syndiqué. Mais j’étais dans la salle. »

 

Une précision, enfin. A la même page 134, on peut lire, toujours à propos de mai 68 : « Ce que Montand défend avec beaucoup d’intelligence, c’est la promotion d’une chanson de qualité qui est, de fait, exclue des réseaux de distribution. Le disque, en temps que produit culturel, doit exister dans sa diversité et pour ce faire, il réclame une démocratisation des réseaux de production et surtout de distribution. En 1983, Claude Vinci écrira un texte dans lequel il propose la création d’un organisme de distribution géré démocratiquement par des producteurs, des chanteurs, des musiciens et subventionné par le Ministère de la Culture. Ce texte sera adopté par le bureau confédéral de la CGT. Il servira de base à une étude ministérielle plus poussée pour, au final, ne jamais aboutir. »

 

Il n’y a certainement aucune indiscrétion à citer ici une phrase de Vinci dans une lettre privée. Au même Jacques Bertin, Vinci écrivait, le 2 janvier 2007 : « Nous fûmes très près, en 83-84, d’obtenir une distribution nationale pour les petites et les auto productions, problème dont je me suis particulièrement occupé avec l’aide de la Fédération du spectacle et d’un économiste de la Confédération. Mais, comme souvent, ça a foiré au dernier moment, alors que Pathé-Marconi-EMI était prêt) à nous libérer tout un secteur de son réseau-distribution de Saint-Ouen l’Aumône, que nous avions visité. »

 

Bon. On se souffle sur le bout des doigts, on replonge la batée. A bientôt, les orpailleurs… 

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