Le prix unique du disque : une histoire à écrire


Le prix unique du disque : une histoire à écrire


Et d’abord l’histoire connue : en 1981, une loi sur « le prix unique du livre » sauve les libraires en réduisant les possibilités de rabais excessifs par les grandes surfaces.

Pourquoi une telle loi ne fut-elle pas mise en œuvre pour le disque ? La période fut celle où par milliers moururent les disquaires, emportés par le même système et les mêmes grandes surfaces. La FNAC, en particulier, fut un des tueurs.

On doit noter l’indifférence considérable de la société française (y compris et surtout la culturelle, hélas...) à ce sujet, tandis que la presse d’alors était emplie d’articles sur le prix unique du livre. Or il semble bien que, réelle ou feinte, une tentative fut lancée par le ministère de la culture de Jack Lang. Un témoignage nous apprend qu’un jour « une proposition de Jack Lang d’une loi sur le prix unique du disque parvint aux instances du SNEP (Syndicat des éditeurs phonographiques) ».

D’après ce témoignage, lors d’une réunion, ces instances mirent la proposition du ministère aux voix. Seulement trois voix s’exprimèrent pour. Tous les autres patrons de l’industrie du disque présents votèrent contre. « C’étaient ceux qui à l’époque enfournaient les disques dans les supermarchés par camions… », dit le même témoin. …Et qui n’avaient pas intérêt à ce qu’une loi limite les ristournes !

L’idée n’eut donc pas de suite. L’enquête historique reste à faire. Le sujet le mérite. Mais la chanson n’étant pas un sujet sérieux, les historiens manquent...

Pas de prix unique du disque. Bon. Mais un réseau public de distribution, pourquoi pas ? On peut rapprocher le témoignage ci-dessus de celui de Claude Vinci qui, dans la biographie qui lui est consacrée (Vinci soit-il, par Marie-Joëlle Rupp, Le Temps des cerises, 2006), s’exprime sur ce sujet (p. 134).

En mai 68, « ce que Montand défend avec beaucoup d’intelligence, c’est la promotion d’une chanson de qualité qui est, de fait, exclue des réseaux de distribution. Le disque, en temps que produit culturel, doit exister dans sa diversité et pour ce faire, il réclame une démocratisation des réseaux de production et surtout de distribution. (…) En 1983, Claude Vinci écrira un texte dans lequel il propose la création d’un organisme de distribution géré démocratiquement par des producteurs, des chanteurs, des musiciens et subventionné par le Ministère de la Culture. Ce texte sera adopté par le bureau confédéral de la CGT. Il servira de base à une étude ministérielle plus poussée pour, au final, ne jamais aboutir. »

Et il n’y a certainement aucune indiscrétion à citer ici une lettre privée. A Jacques Bertin, Vinci écrivait, le 2 janvier 2007 : « Nous fûmes très près, en 83-84, d’obtenir une distribution nationale pour les petites et les auto productions, problème dont je me suis particulièrement occupé avec l’aide de la Fédération du spectacle et d’un économiste de la Confédération. Mais, comme souvent, ça a foiré au dernier moment, alors que Pathé-Marconi-EMI était prêt) à nous libérer tout un secteur de son réseau-distribution de Saint-Ouen l’Aumône, que nous avions visité. »


A suivre (par les historiens) (s’ils le veulent bien…) 

Jacques Bertin

 

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