Le show business est une ordure



Lavilliers / Kemper


Le show business est une ordure



Le show business est une ordure ! Mais oui ! On le prouve, une fois encore : dans le récent livre (1) de Michel Kemper consacré à Bernard Lavilliers, on peut lire ces lignes, à la page 73 :

«Bernard (Lavilliers) fait parfois équipe avec un autre chanteur stéphanois : André Mellier. Mellier est interne à l’Ecole normale. (…) Auteur compositeur et interprète, il connaîtra une jolie reconnaissance de son art (…). Il croit sa chance venue en signant un contrat d’exclusivité de cinq ans avec Barclay. En fait un contrat qui corsète l’artiste et ne lui laisse aucun droit. La firme ne va pas sortir le moindre disque d’André en l’empêchant d’aller voir ailleurs, contrat oblige. Piégé, écœuré, sans trace discographique possible, Mellier se rabattra sur des concerts dans la région stéphanoise ainsi que dans le sud avant de tomber, peu à peu, dans un oubli total.»

Exclusivité de cinq ans ! C’était là une pratique ignoble – fréquente à l’époque (et maintenant ? Va savoir…). On faisait signer à un jeune un «contrat d’option», par lequel l’artiste s’engageait à ne pas chercher ailleurs pendant plusieurs années – ici, cinq ans ! La société discographique s’engageait, elle, à «étudier l’éventualité de publier un disque»… Sans rire. Donc elle ne s’engageait à rien. A Lille, en novembre 1966, Eddy Barclay proposa ce contrat à Jacques Bertin, qui n’y échappa qu’à cause d’une certaine méfiance instinctive envers le personnage.

Sous prétexte d’aider la création, c’était mettre celle-ci en coupe réglée : clairement, empêcher le jeune artiste d’aller tenter sa chance ailleurs. Un crime. Jamais relevé par les historiens de la culture habituellement si sensibles aux censures et autres répressions…

Bref, c’est indéfendable, ordurier, ignoble. C’était Barclay. Eddy Barclay. On ne peut qu’encourager les victimes du show business à faire connaître les méthodes de ces «éditeurs». Dans cette rubrique, nous nous ferons un plaisir de les publier.

Cette pratique, à elle-seule, suffit à déshonorer tout un milieu. Par ailleurs, voici une leçon à tirer de l’affaire. c’est que le silence sur ces pratiques - et en général sur le show business - caractérise le peu de sérieux et la mollesse (pour ne pas dire connivence) des intellectuels spécialisés dans la culture, de nos jours, que ce soit à l’Université ou dans la presse. L’histoire du fonctionnement de l’industrie musicale n’est jamais étudiée par les historiens. Mais nous savons bien que c’est, plus généralement, le sort de la chanson française… Et, encore plus généralement, de toute la culture non distinguée. Et c’est cette absence qui fera le miel des historiens, plus tard !


Jacques Bertin



(1) Les vies liées de Lavilliers, Michel Kemper, Flammarion, p. 73.

 

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