n° 90
| Jacques Douai Ah, voilà un homme que nous avons respecté ! Pour son talent, évidemment ; cette voix si pure. Par dizaines ses interprétations passeront le mur du temps, ça ne fait aucun doute ! Mais aussi pour sa rigueur, et pour sa foi. Il n'avait jamais accepté de baisser ses bras de militants de l'action culturelle. Et jamais accepté la loi du show business, cette école de médiocrité, ni son odieux magistère sur l'esprit des gens, et d'abord sur celui des artistes. Jacques Douai (1) fut un pionnier de l'éducation artistique pour tous, et, très tôt, parla du risque que l'augmentation du temps de loisir conduise à la barbarie. Sur ce terrain, il se battit toute sa vie. Il était issu du milieu ouvrier. Il ne le trahit jamais. Pendant la guerre, il avait rencontré les Comédiens-routiers de Chancerel, et Olivier Hussenot, puis Uriage. Il resta fidèle à ce monde-là, respectant le peuple et cherchant les hauteurs. Après guerre, il lança La Frairie, puis Chants et danses de France (le ballet national de danses et chants folkloriques). Mais chez nous, les gens bien méprisent le folklore ("vichyste"…) tout autant que la chanson, lorsqu'elle n'est pas du show-biz.. Jacques Douai voyagea dans le monde entier pour montrer ce qu'était l'art de la chanson française. Il créa encore - en 1966 - le Théâtre Populaire de la Chanson, qui aurait du être un lieu fixe de répertoire, une sorte de théâtre national. Puis enfin, pendant vingt ans, ce Théâtre du Jardin, pour l'enfance, au Jardin d'acclimatation. Il y avait dans le regard de cet homme-là une clarté qui ne mentait pas.
Jacques Bertin |