n° 170 |
LES
JOURNAUX, LES CONS, LA CONNERIE...
Je lis dans un quotidien qu’une « descendante d’esclave » annonce son intention d’assigner l’Etat français pour obtenir « réparation du préjudice causé jadis par l’asservissement d’un aïeul ». Le journal précise que cette plainte, soutenue par l’association contre le racisme CRAN, est destinée à faire pression sur le gouvernement afin qu’il s’engage à réparer la traite des noirs. J’espère que cette personne assignera aussi les Etats africains responsables. Les Français, à ces époques, n’avaient pas, généralement, les moyens d’aller eux-mêmes capturer les esclaves loin des côtes (alors que les Arabes faisaient ça très bien, par des expéditions en profondeur dans le continent)…Nous (est-il raisonnable d’écrire ce « nous » ? ) nous contentions de les acheter sur les plages aux rois locaux. Cette personne et le CRAN attaqueront-ils les Etats africains concernés, qui sont les héritiers des anciens « rois nègres» ? Et puisqu’il paraît que notre gouvernement réfléchit à la question des réparations morales dues aux descendants d’esclaves (le CRAN espère l’acculer à des réparations matérielles), ce que j’ose qualifier d’énorme stupidité, je vais parler de la Vendée. De ma Vendée. Etant descendant de massacrés vendéens de la révolte de 1793, je me suis souvent heurté au mépris - et à l’ignorance, surtout - de l’intelligentsia parisienne sur ce sujet.. Que cent à deux-cent mille personnes aient été massacrées, hommes, femmes, enfants, vieillards, leurs villages brûlés, leurs fermes, leurs bois, leurs églises, est une honte nationale. Eh bien, pourquoi pas des dédommagements ? Je lis dans un autre journal qu’un député UMP demande qu’une loi reconnaisse le « génocide vendéen »… Ce fut un massacre systématique sur ordre venu du sommet. Était-ce un génocide ? En tant que descendant (1), j’ose proclamer que je m’en fous, que les Vendéens s’en foutent, qu’ON S’EN FOUT ! Certes, j’aimerais que l’intelligentsia parisienne soit moins bornée, moins frileuse, moins sectaire, moins ignorante, bref, moins con. J’aimerais ne pas passer pour un semi-fasciste parce que j’en parle à Saint-Germain ; qu’on cesse de dire que cette révolte populaire fut fomentée par les prêtres et les aristocrates - totalement faux. Mais une reconnaissance légale ne présente à nos yeux aucun intérêt. Et j’ajoute, à l’intention de la descendante d‘esclave, et de son cran (jeu de mots facile, mais je suis à cran) qu’il faut cesser de faire du nettoyage historique ; par pitié. Corriger les ancêtres, leur faire la leçon par-dessus la haie avec notre idéologie d’aujourd’hui, dire le bien et le mal a posteriori est un jeu ridicule, inutile et finalement pervers. Ou alors demandons des réparations aux Italiens pour les crimes de César en Gaule ! Et que les Hurons assignent les Iroquois pour le génocide du XVIIème siècle ! Ainsi de suite. On a de quoi s’occuper. Parlons des Indiens. Une Amérindienne du journal se bat pour la défense des peuples autochtones du Canada. Elle a raison : il y a par là beaucoup de misère. Mais une autre Amérindienne affirme aussitôt agir contre « la fin du mode de vie traditionnel des premiers peuples d’Amérique du Nord ». C’est absurde : les autochtones d’aujourd’hui n’ont conservé que des bribes de ce « mode de vie traditionnel ». Ils chassent avec des fusils modernes et roulent en grosses cylindrées en sirotant des bières et du Coca, comme moi. Tiens, un qui me semble avoir oublié l’esprit de ses ancêtres, c’est Depardieu (2). T’es con, ou quoi ? Pauvre Ouquoi. Ce qui est triste, ce n’est pas qu’un pourri de fric refuse d’être solidaire, c’est qu’un fils de pauvres réagisse ainsi. T’es con, Ouquoi ? Mais j’ai aussi dans ces pages défendu naguère le droit d’être con. Droit inaliénable, sans lequel l’humanité ne serait qu’une guerre civile. Si l’on commence à stigmatiser les cons, c’est la porte ouverte euh, à leur départ. Même les très gros ? Oui, même les très gros. Il n’est pas de connerie si grosse qu’elle ne puisse être pardonnée demain dans l’étreinte pleine de mansuétude de la nation et nos trois couleurs, on est comme ça. Donc, Gégé, tu reviens quand tu veux. Même de Coblence. Même de plus loin. Mais cela dit, t’es un fils du peuple, comme moi; et tu me fais honte. Quelques mots, pour terminer, sur l’intelligentsia. Vous connaissez, bien sûr, ce parler-mode qui peuple nos médias, les vintage et les think tank. Vous connaissez déjà, vous vous habituerez, le France-bashing et le cloudworking. Ces américanismes constituent la titraille (titrailling ?) de nos grands journaux ces temps-ci. Car la connerie est éternelle. Ainsi s’écrit le siècle de Périclitès. Salut. (Gégé,
tu reviens quand tu veux ; ou tes descendants, un beau procès dans deux
siècles, dédommagements mutuels, tout ça, une belle empoignade…)
Jacques Bertin |