n° 176
octobre 2013

Index des articles

 

 

Choses et d'autres

 

Parlons politique culturelle. Dans un journal, Christian Estrosi, maire de Nice, déclare qu’il ne veut pas “fragiliser l’image culturelle de (sa) ville”. Cette expression anodine en apparence (l’“image culturelle”) indique que nous sommes à un niveau de conception de la politique culturelle lamentable : une ville est comme une marque et la culture sert à la vendre, c’est à peu près ça. On dit aussi, désormais que cette image sert à attirer les investisseurs. Mon désaccord est total. Si nous croyons à la culture, c’est justement contre cela qu’il nous faut lutter. Ohé les artistes, les créateurs, les militants, à nous, à moi ! Revenez, Chancerel, Copeau, Dasté, Vilar, Lagrange, les fondateurs de la décentralisation et des Maisons des jeunes, tous ceux qui ne confondaient pas la culture avec la sortie du samedi soir et le tourisme. Nous sommes revenus à l’entre-deux guerres ! Au secours !


Les mots à la mode. Un de mes jeux préférés en ce moment. Tiens, en voici un : ludique. J’ajoute ce mot à la liste : décalé, insoumis, rebelle... Et il y a le mot avenir aussi, énorme comme une locomotive dans un salon. Tourné vers l’avenir ? Moi, non ; juste tourné vers la route, pour éviter de me foutre en l’air au pochain virage... Mais l’avenir est à la mode ! Et il fait des ravages – comme un poivrot au volant.

On est sans cesse emmerdé par ceux qui ont raison, vous savez bien. Moi, jadis emmerdé par les stals et les trots (- T’as rien compris etc.). Ca a duré des années, cette joyeuseté où j’étais méprisé, humilié, où j’avais intérêt, en cas de leur victoire à numéroter mes abatis... Puis, ils se sont fatigués ; et j’ai alors été emmerdé par les arteux contemporains (- T’as rien compris etc.)... Aujourd’hui, c’est par les aveniristes de l’avenir économique antifrileux (- T’es qu’un frileux replié sur soi qu’a rien compris, limite populiste...). L’avenir, mais oui, est un tabou - on n’y peut rien, il s’impose... Et encore une occasion de se faire engueuler...

Ludique ? Moi, je ne suis pas ludique - je n’emploie jamais ce mot. Mais j’emploie fréquemment le mot humour. Ai-je le droit de vivre ?


Le mot parité. Le 50/50 hommes-femmes dans les assemblées élues. Ah, je vous trouve bien timide ! Moi, je suis pour généraliser la parité ! Rendons obligatoire qu’il y ait dans ces assemblées le même pourcentage d’ouvriers, de paysans, d’employés, de smigards, de chômeurs que dans la société ! Non ? Pourquoi non ?

Continuons sur les mots à la mode. Phobie, suffixe très employé ces temps-ci. Disons-le tout net : je pense avoir le droit à des phobies. Et je suis contre la phobophobie. Hein ? Ca ne vous plait pas ? Qu’est-ce que vous avez à me stigmatiser ? Vous êtes phobophobe ? Dites donc, j’ai défendu dans ces pages le droit (de Séguéla, de Depardieu) à être con. Et vous m’interdiriez d’être phobophile ? Philophobe ? Merde.


Nègre (mot interdit). Depuis le verdict du procès d’un grand homme condamné pour plagiat, et constatant la respectueuse discrétion des médias sur cette affaire, nous savons que, désormais, il est normal, lorsqu’on a un certain rang social, de publier sous son nom des livres qu’on n’écrit pas.
 
Ah, bien sûr, si un homme du commun s’était permis un tel acte, il aurait été immédiatement et définitivement déshonoré et interdit de toutes les antennes. Il n’irait plus lui-même acheter son pain à la boulangerie... Mais rien de tel n’est arrivé pour le célèbre M. Il continue à paraître et parler comme si de rien n’avait été. Et il sera pareillement reçu demain par tout un tas de “critiques” dont l’art d’ailleurs est de parler quotidiennement de livres qu’ils n’ont pas lus (Comment lire un livre par jour ? Sans compter le temps pour écrire sa chronique et le temps pour écrire son nouveau livre...). Ainsi est la nouvelle élite. Comment faire pour trouver le temps ? C’est facile. Mais ici n’employez pas le mot “nègre” : vous seriez susceptible de vous faire engueuler par le bureau du Polit-corr.


Tralala. Changeons de paysage. Le tralala et le tralalère, eux, ont totalement disparu. Cette disparition de l’onomatopée française témoigne de la ringardisation de ce qui fait français, c’est-à-dire franchouillard. Souvenons-nous de l’émergence triomphale du mot ringard dans les années 80 !

C’est la rentrée et donc la période de la mode. Les défilés de mode – on dit la haute-couture. La laideur officielle, arrogante et bien-pensante, contemporaine, en un mot.

Cette même laideur se voit quotidiennement en bas de l’échelle sociale, dans les petits costumes étriqués des bureaucrates de base, les chaussures à bout long, les vêtements déchirés et déteints, les ceintures en bas des fesses et les robes trop courtes à la fois et trop amples. Comme si tout ça n’était que l’occasion d’un jeu. Mais non : c’est l’entreprise de destruction des critères de la beauté et de l’élégance qui permet à l’industrie d’augmenter ses bénéfices ! Ca sert à ça ! Le n’importe quoi comme valeur esthétique, c’est l’avenir de l’industrie du vêtement !


vélo : Suite de mon avant-dernière chronique (Pol. n° 174 de juin-juillet 2013 : Vive le bon sens !). Un journal annonce le nombre de tués à vélo : + 16,3% en 2012. Eh bien, continuons !

C’est certainement de ma faute, puisque je suis un (méchant) automobiliste.

Merde.


 

Jacques Bertin